Les Stambouliotes 4 mai 2006
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l’Humanité (France), mercredi 3 mai 2006, p. 18
De Cynthia Fleury
C’est dans un climat d’immigration « choisie » et de refonte du « code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) » que l’anniversaire du vote référendaire va avoir lieu…
Par chance, paraît au même moment l’ouvrage de Defne Gürsoy et d’Ugur Hüküm consacré à l’émergence de la société civile à Istanbul (1) Une manière toute bosphorienne et régénératrice de relancer le débat…
Car Istanbul est certes l’une des plus belles villes du monde… mais c’est d’abord le lieu du foisonnement des hommes, qu’ils soient Turcs, Grecs, Arméniens, Bulgares, Serbes, Macédoniens, Ukrainiens, Roumains…
Defne Gürsoy et Ugur Hüküm nous les font découvrir, notamment au travers d’une série de portraits dont le premier est consacré à Ömer Madra, journaliste et fondateur d’Açik Radyo (littéralement la « radio ouverte »).
« Nous étions petits, vulnérables et locaux » constate Ömer au début des années quatre-vingt-dix. Diagnostic simple mais nécessaire pour en appeler à l’émergence d’une société civile…
Ce genre de diagnostic « à l’envers », on le retrouve également dans la bouche de l’architecte Oktay Ekinci. Vous voulez savoir comment Istanbul a gagné, en 2005, l’organisation du congrès de l’Union internationale des architectes ? En lice : Istanbul, Florence et Nagoya : « Les Japonais utilisaient le slogan « Venez à Nagoya, la ville parfaite » ». Pour Florence, que dire si ce n’est qu’elle est la ville préférée des architectes du monde entier ? Nous avons proposé un tout autre concept, écrit Oktay Ekinci : «Venez voir une ville de deux mille six cents ans, imparfaite, bondée de problèmes, où se retrouvent les civilisations occidentale et orientale et qui est marquée par les cultures de ces deux mondes. Mais surtout, venez voir une ville de plus de 12 millions d’habitants où, malgré une augmentation annuelle de 400 000 habitants, personne ne dort dans la rue. » Istanbul a été élu.
De son côté, le maire (ex-architecte) Kadir Topbas, élu en 2004, a choisi de continuer de développer sa ville et ses quartiers. Pas moins de douze nouvelles mairies de quartiers en cinq ans ; une rue Istiklal, entièrement transformée, et vivant désormais 24 heures sur 24 ; un réseau de transports publics et ferroviaires renforcé ; enfin, toujours en ligne de mire, la réconciliation des cultures, avec en particulier la création de la rue Française sur la rue d’Algérie et la création de 2 650 HLM. Dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne, le maire a même lancé un programme pour l’alphabétisation à 100 % des Stambouliotes.
La ville semble ici une continuelle source d’inspiration pour la société civile. En 1984, Oguz Özerden – encore un architecte ; mais devenu député – émet l’opinion qu’il faut absolument un «think tank » pour la ville, qui réunirait des penseurs, des chercheurs et des académiciens pour élaborer les standards de la ville à un niveau international…
Quelques années plus tard, il fonde l’Université Bilgi qui accueille aujourd’hui pas moins de 8 000 étudiants et un millier d’enseignants, chercheurs et employés administratifs. Seule en Turquie à former les juges du pays ou encore les dirigeants des ONG, l’Université Bilgi a définitivement misé sur l’enseignement des sciences politiques et le développement de partenariats avec la société civile.
Avec l’ONG de la « Grande dame » de l’éducation, Türkan Saylan, elle a financé, entre autres, la construction d’un pensionnat à Kars, près de la frontière arménienne. Elle accueille aussi, dans ses murs, les entreprises humanitaires ou autres fondations qui manquent de moyens logistiques. Mais son plus grand projet reste à achever : transformer la première centrale électrique du pays qu’elle vient d’acquérir en véritable musée d’art moderne, le plus grand du pays.
De leur côté, les artistes se sont également saisis du thème de la citoyenneté. Grâce au grand metteur en scène
Isil Kasapoglu, un théâtre citoyen a vu le jour au fin fond de la banlieue. Principaux faits d’armes : avoir monté la version longue d’Hamlet – sept heures – en distribuant de la soupe et de la sangria tout au long de la nuit ; 17 000 personnes ont vu le spectacle. Et, avoir réussi à mettre en scène une pièce kurde, l’épopée de Mem et Zin, qui a attiré beaucoup de Kurdes au théâtre.
À quand un tel livre sur la société civile parisienne ! ?
(1) Defne Gürsoy, Ugur Hüküm, Istanbul. Émergence d’une société civile, Autrement 2006.
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