La Turquie s’engage dans le nucléaire 6 mai 2006
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La Tribune (France), vendredi 5 mai 2006, p. TR10
Delphine Nerbollier
Ankara veut tirer 10 % de son électricité du nucléaire dans quinze ans. À la différence du cas iranien, la communauté internationale n'y met aucun obstacle, la Turquie étant signataire du traité de non-prolifération. Les groupes américains, japonais, chinois sont sur les rangs ainsi que le français Areva.
Le débat sur le nucléaire est de nouveau relancé en Turquie. Un mois avant la commémoration du 20e anniversaire de l'accident de Tchernobyl et en pleine crise internationale autour de l'Iran, le ministre turc de l'Énergie, Hilmi Güler, a annoncé vouloir doter son pays d'au moins trois centrales d'ici à 2012, d'une capacité totale de 5.000 mégawatts. La première pourrait être construite dans la petite ville de Sinop, au bord de la mer Noire, le choix définitif devant être rendu public d'ici à un an.
Contrairement à son voisin iranien, l'annonce d'une reprise du programme nucléaire civil turc n'a soulevé aucune protestation de la part de la
communauté internationale. Candidate à l'entrée dans l'Union européenne, membre de l'Otan depuis 1956, signataire du traité de non-prolifération depuis 1980, la Turquie est l'un des alliés les plus fidèles des États-Unis dans la région
malgré un refroidissement de leurs relations depuis la guerre en Irak. Seuls quelques opposants, notamment turcs, s'interrogent sur les arrière-pensées du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, à la tête d'un parti conservateur
musulman (AKP). Okay Cakiroglu, président de l'agence de l'énergie atomique turque (TAEK), balaie ces craintes d'un revers de main, considérant que la Turquie est l'un des membres "les plus loyaux" de l'agence internationale pour
l'énergie atomique (AIEA). Son président, Mohammed el-Baradei, a d'ailleurs proposé en mars dernier au gouvernement turc de servir de médiateur dans la crise iranienne et devrait se rendre à Ankara en juin pour évoquer – et
soutenir – son programme d'énergie nucléaire.
Trente-cinq ans de retard. "Le gouvernement semble très motivé, constate Ahmet Bayülken, professeur à l'Institut de l'énergie d'Istanbul. Malheureusement, nous avons trente-cinq années de retard." Le dossier nucléaire est en effet
débattu depuis des décennies en Turquie mais n'a encore jamais abouti. Depuis 1976, trois appels d'offres ont été lancés, en vain, dans le but de construire une centrale au sud du pays, à Akkuyu près de Mersin. Le dernier en date, retardé à huit reprises et auquel ont participé les consortiums français de NPI, canadiens d'AECL et américains de Westinghouse, a finalement été annulé en
juillet 2000, en raison de difficultés financières et de l'opposition de la population locale (Akkuyu se trouve à 25 km d'une faille sismique).
"L'énergie nucléaire n'est pas seulement une préférence, c'est une nécessité, a lancé avec force le ministre turc de l'Énergie le 14 avril dernier, à l'issue d'une réunion avec 150 scientifiques de la TAEK. La hausse du prix du pétrole et la nécessité de diversifier les sources d'énergie font du nucléaire une priorité." Les prévisions ministérielles dressent un tableau très sombre des besoins du pays qui devrait être confronté à un déficit énergétique dans cinq
ou six ans et devra investir près de 128 milliards de dollars dans les quinze prochaines années pour répondre aux besoins croissants de sa population, forte actuellement de 72 millions d'habitants.
Dépendance russe. Pauvre en énergie fossile – la Turquie a produit 2,2 millions de tonnes de pétrole en 2004 selon les chiffres du ministère -, le pays reste hautement dépendant de ses voisins, notamment de la Russie à qui elle achète 65 % de son gaz. Face à la hausse du prix du pétrole, aux problèmes de distribution de l'or noir irakien, aux récentes coupures de gaz iranien et à la crise gazière entre l'Ukraine et la Russie, le nucléaire réapparaît donc comme l'une des
solutions miracles. Selon le gouvernement, il pourrait assurer entre 8 % et 10 % des besoins en électricité du pays en 2020.
La Turquie dispose par ailleurs de réserves avérées d'uranium (9.000 tonnes) et de thorium (230.000 tonnes) encore inexploitées. "Nos réserves sont suffisantes pour faire tourner une centrale de 2.000 mégawatts, explique Onal Güven, professeur à l'université technique d'Istanbul et spécialiste des ressources minières. Si le gouvernement se lance dans le nucléaire, il pourra incontestablement se servir de cet uranium." Et donc s'assurer une certaine
indépendance énergétique. Faux, affirme Necdet Parmir, du centre de recherche stratégique sur l'Eurasie (Avsam). "Comme nous ne savons pas enrichir l'uranium, nous dépendrons une fois de plus des pays étrangers." Necdet Pamir, loin d'être opposé à l'énergie nucléaire en tant que telle, considère que la Turquie se trompe en choisissant cette voie. "Pourquoi préférer le nucléaire quand on sait qu'à l'heure actuelle cette technologie a de nombreux désavantages : le coût, la question des déchets toujours irrésolue malgré des décennies d'exploitation. Les défenseurs du nucléaire travaillent sur les 4e et
5e générations de réacteurs, capables, selon eux, de résoudre l'ensemble de ces problèmes d'ici dix à quinze ans. Pourquoi la Turquie devrait-elle choisir le nucléaire maintenant alors qu'elle a d'autres cartes en main ? Nous n'avons pas
encore utilisé notre potentiel géothermal, hydroélectrique, solaire, éolien. Sans parler de nos ressources quasiment inexploitées de lignite." Ce message a été relayé samedi 29 avril par plusieurs milliers d'opposants réunis dans la
ville de Sinop où pourrait être construit le premier réacteur turc. Cette région de la mer Noire est l'une des plus sensibilisées du pays au danger du
nucléaire depuis le passage du nuage de Tchernobyl, il y a vingt ans.
"Le gouvernement pourra-t-il aller jusqu'au bout de ses intentions ? s'interroge Ahmet Bayülken de l'institut d'énergie d'Istanbul. Comment va-t-il financer ces centrales ? Le projet actuel ne pourra aboutir que si les grands industriels
turcs y participent." Cette piste du "partage des risques" a officiellement été avancée par le ministre de l'Énergie qui, le 14 avril dernier, a réuni une dizaine de chefs d'entreprise turcs. La première centrale pourrait être construite selon la formule du partenariat public-privé (PPP), le gouvernement s'engageant à acheter l'électricité produite sans proposer toutefois de garantie d'État.
Visite de la centrale américaine. Par ailleurs, le Premier ministre Erdogan lance des perches depuis des mois aux investisseurs étrangers. Il a abordé ce dossier en juillet 2004 lors de sa visite officielle à Paris, mais aussi en mars dernier lors d'un séjour en Afrique du Sud. En février, le ministre turc de l'Énergie a visité la centrale américaine de Lake Anna en Virginie, ce qui
permet depuis quelques jours à la presse turque de favoriser les candidatures des américains Westinghouse et General Electrics sur celles des japonais, chinois, sud-africains, sud-coréens, chinois et français. La candidature canadienne semble en revanche mal engagée depuis le passage d'une loi au Parlement d'Ottawa reconnaissant le génocide arménien, qui a causé la colère du gouvernement et des industriels turcs. Des rumeurs courent également sur le cas
de la France, dont le Parlement est en train de discuter une loi pénalisant la négation du génocide arménien, mais qui semblerait bien placée depuis la visite en mars à Ankara du ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, accompagné d'un représentant d'Areva. "Les Français ont montré leur intérêt pour ce dossier, même s'ils avancent prudemment depuis le projet avorté de 2000, confirme Philippe Béghin de la mission économique d'Ankara. Les seules réticences françaises concernent la sensibilité de l'opinion publique turque et
la participation du secteur privé. Le gouvernement turc ne veut pas s'impliquer
complètement en raison de la charge budgétaire trop lourde. Or nous pensons que le nucléaire doit être une décision gouvernementale, notamment pour des questions de sécurité." Face à ces spéculations, seuls les industriels turcs disposent d'un calendrier : ils ont jusqu'au 12 mai pour faire part de leurs propositions au gouvernement. Les groupes étrangers devront, eux, encore attendre.
il est grand temps pour la turquie de disposé de l’énergie nucléaire car bientôt il y aura plus de pétrole et donc il faut absolument trouver d’autre énergie.10% c’est bien mais le reste il faut trouver aussi,la Turquie est un pays où le soleil est trés présant donc l’énergie solaire est la meileur solution afin de répondre au besoin du pays au niveu de l’électricité ,de l’eau chaude.