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Monténégro, vers une nouvelle poudrière ? 12 mai 2006

Posted by Acturca in South East Europe / Europe du Sud-Est.
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Le Temps (Suisse)

10 mai 2006

Les électeurs voteront le 21 mai par référendum pour ou contre l'indépendance. Paradoxe: les Musulmans détiennent peut-être la clé du scrutin dans cette république slave.

C'est peut-être dans le nord du Monténégro que va se jouer l'issue du référendum
du 21 mai. Ici, lors du recensement de 2004, la majorité des habitants orthodoxes se sont déclarés de nationalité serbe, et s'opposent à toute perspective de séparation d'avec la Serbie, mais cette région est aussi peuplée de Bosniaques Musulmans qui devraient choisir l'indépendance. Le nord du Monténégro, divisé, est-il la prochaine poudrière des Balkans?

Pour Ivan Bulic, maire adjoint de la petite commune d'Andrijevica, l'indépendance est tout simplement impossible. «Nos enfants vont étudier en Serbie. Nous allons nous faire soigner dans les hôpitaux de Belgrade en cas de maladie grave. Des milliers de Monténégrins touchent des retraites serbes. Nous avons nos parents, nos cousins de l'autre côté de la frontière. Les gens qui vont voter pour l'indépendance sont-ils conscients des conséquences qu'une séparation pourrait avoir?» Les habitants d'Andrijevica votent à 80% pour les partis «unionistes», et se définissent presque tous comme Serbes. «Monténégrin?

Cela veut dire le meilleur des Serbes», explique le patron d'un petit café.

Voix discordantes

Cependant, même dans ces bastions pro-serbes du Monténégro, certaines voix discordantes se font entendre. Vesna tient un petit café à Murino, une bourgade située à une dizaine de kilomètres d'Andrijevica. Le nom de Murino est devenu tragiquement célèbre un jour de mai 1999, quand les avions de l'OTAN ont jeté des bombes à fragmentation sur le vieux pont qui traversait le village, sans présenter le moindre intérêt stratégique. Sept adolescentes avaient été tuées.

Le café de Vesna est un bric-à-brac de fauteuils dépareillés et de vieux objets. La patronne trône derrière une caisse enregistreuse des années 1950 et d'immenses bocaux pleins de rakija, l'eau-de-vie maison. Le mari de Vesna, bûcheron et artiste peintre, s'est occupé de la décoration: les murs sont recouverts de fresques naïves représentant des saints orthodoxes, mais aussi le criminel de guerre bosno-serbe Ratko Mladic et l'ex-président yougoslave défunt Slobodan Milosevic. Incongru, un drapeau du royaume du Monténégro est pourtant accroché sous un portrait de Milosevic.

«Nous avons été Yougoslaves, mais notre pays a été détruit. De coeur, je suis toujours Yougoslave et communiste, explique l'artiste. Cependant, je suis aussi Monténégrin, personne ne peut m'ôter mon identité. Je voterai pour l'indépendance, parce qu'il vaut mieux se séparer et que le Monténégro trouve sa voie plutôt que de continuer la comédie politique actuelle.» Quelques consommateurs désapprouvent la tirade en se renfrognant derrière leurs exemplaires de Politika, le quotidien de Belgrade, davantage lu ici que les
journaux monténégrins. Mais Vesna n'hésite pas à resservir une tournée générale
«pour l'indépendance du Monténégro.»

Le nord de la république est en réalité une région multiculturelle: à côté des Slaves orthodoxes, qui se définissent plus volontiers comme Serbes que comme Monténégrins, vit une petite communauté albanaise, et surtout une forte minorité slave musulmane, majoritaire dans des communes comme Rozaje, Bijelo Polje ou Plav. Albanais et Musulmans devraient majoritairement voter pour l'indépendance, par méfiance envers Belgrade et hostilité au nationalisme serbe. Cependant, la communauté musulmane est elle-même travaillée par des courants contradictoires.

La région historique du Sandjak de Novi Pazar, où vivent ces Musulmans, frères de ceux de Bosnie-Herzégovine, est partagée depuis 1912 entre la Serbie et le Monténégro. En cas de séparation entre les deux républiques, une véritable frontière partagerait donc le Sandjak. Côté serbe, certains partis politiques bosniaques appellent ouvertement les Musulmans du Monténégro à se prononcer contre l'indépendance.

L'enjeu est majeur, car les 17% de Slaves musulmans du Monténégro détiennent probablement la clé du référendum. Les dirigeants indépendantistes de Podgorica
soulignent que leur projet est celui d'un Monténégro multiethnique où tous les citoyens jouiront de droits égaux. Milo Djukanovic se pose volontiers en protecteur des communautés minoritaires. Le sous-développement chronique qui affecte le nord de la république, et tout particulièrement les communautés minoritaires, pourrait cependant dissuader certains électeurs de voter pour l'indépendance.

Conflit interethnique ?

Fin avril, les autorités de l'islam au Monténégro ont néanmoins appelé tous les Musulmans à voter pour l'indépendance. Cet appel illustre les bonnes relations que ces autorités entretiennent avec le gouvernement de Milo Djukanovic, mais les partisans de l'Union avec la Serbie ne manquent pas une occasion de rappeler, comme Ivan Bulic, que «seuls les Musulmans peuvent faire gagner l'indépendance, alors que le Monténégro est un pays orthodoxe». Le conflit entre partisans et adversaires de l'indépendance pourrait-il dégénérer en affrontement interethnique? C'est le scénario du pire, auquel tout le monde
pense, sans en parler.

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