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« La question féminine devient l’un des enjeux du monde musulman ». 29 juin 2006

Posted by Acturca in France, Middle East / Moyen Orient, Religion, Turkey / Turquie.
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La Croix (France), mardi 27 juin 2006, p. 4

Jean-Christophe Ploquin

Interview de Pierre Lory, professeur d’histoire de la pensée musulmane à l’École pratique des hautes études, à Paris. La formation des femmes suscite d’importants débats à travers le monde islamique.

Le Maroc forme, depuis un an, des prédicatrices. Est-ce une nouveauté dans le monde musulman ?

Pierre Lory : C’est une initiative novatrice dans la mesure où, depuis les origines de l’islam, les femmes n’ont pas exercé un grand rôle dans son enseignement ni dans la transmission du savoir. Mais ce n’est pas révolutionnaire, dans la mesure où rien dans l’islam n’empêche une femme d’acquérir la connaissance des sciences religieuses. Par ailleurs, le Maroc a évacué la question clé, qui est la formation de femmes juristes ou imams. En islam, en effet, Dieu n’a pas à être connu, il a à être obéi. D’où le rôle central des jurisconsultes et des juges en droit islamique.

Le Coran interdit-il explicitement aux femmes d’accéder à ces fonctions ?

– Non. Mais cette position s’enracine à une parole du prophète de l’islam, Mohammed, rapportée par une chaîne de transmetteurs jugée très fiable. Selon ce propos, les femmes sont trop émotives pour être juges et doivent donc être écartées de ce rôle. Nous n’avons pas d’exemple, à travers l’histoire, d’une dérogation à ce principe. Il y a bien sûr la figure d’Aïcha, une des épouses de Mohammed, qui a rapporté de nombreux propos de son mari après sa mort. Mais son caractère exemplaire tient à son statut matrimonial. Il a été aussi rapporté l’existence, au Moyen ge, de femmes très cultivées, y compris en théologie, et qui étaient consultées à ce titre. Mais on ne connaît aucun traité juridique écrit par une femme.

Comment le monde musulman réagit-il à l’initiative marocaine

– Après l’effet de surprise, et dès lors que le Conseil des oulémas marocains a précisé qu’il n’était pas question que les prédicatrices soient imams ou juges, la réaction a été : pourquoi pas ? Chacun comprend l’intérêt que les femmes, qui sont aussi mères et soeurs, soient bien formées et qu’elles jouent un rôle dans la transmission de la religion. En fait, tout dépend de la position que prennent les différentes écoles juridiques face à la Tradition. Il y a ceux, comme les wahhabites d’Arabie saoudite, qui disent : « Tout ce que le Prophète n’a pas ordonné est interdit. » Et il y a ceux qui pensent : « Tout ce que le Prophète n’a pas interdit peut être autorisé. » C’est la voie suivie par le Maroc, mais aussi par la Turquie, où une École normale permet aux femmes d’apprendre les sciences islamiques : cet établissement est géré par la direction des affaires religieuses, le Diyanet, directement dépendant du premier ministre. Les femmes y sont admises à égalité avec les hommes.

En Europe, les musulmans sont-ils prêts à la formation théologique des femmes ?

– On touche là à la question de la création d’instituts publics de théologie. En France, la crispation n’est pas tellement le fait des musulmans, mais plutôt des autorités, voire de l’opinion, notamment certains tenants de la laïcité. La présence de l’islam pose à la France une grande question d’identité et questionne la place réservée aux religions.

En Europe, il faut signaler l’ouverture, à l’automne prochain, d’un Institut pour la formation des cadres religieux musulmans lié à l’université de Leyde, aux Pays-Bas. Il y aura deux cursus en parallèle. D’une part, des cours d’islamologie qui seront donnés par des professeurs laïcs, pour la plupart protestants, et seront sanctionnés par un mastère en sciences des religions, section islamique. D’autre part, une formation complémentaire dans une faculté théologique musulmane privée. Cette formation sera bien entendu ouverte aux femmes et aux hommes.

Une lecture féminine, sinon féministe, du Coran sera-t-elle un jour possible ?

– La question féminine devient l’un des très grands enjeux dans le monde musulman. On y constate une grande instabilité idéologique, au sens chimique du terme. Les idées circulent, mais les conclusions ne sont pas encore stabilisées. Les dialogues foisonnants sur Internet sont particulièrement révélateurs. S’y expriment des femmes de plus en plus cultivées et très croyantes. Plus que dans un pays géographiquement situé, c’est dans cet échange non territorialisé, au sein d’une jeunesse vivant aux quatre coins du monde, que se produit la germination.

La Turquie expurge les Hadith

Des théologiens turcs ont entrepris d’expurger un recueil clé de la tradition islamique de tout propos approuvant les violences faites aux femmes et attribués au prophète de l’islam Mohammed. Le département des affaires religieuses, organisme gouvernemental, a chargé 35 experts d’élaborer une nouvelle édition des Hadith, recueil rassemblant des propos du prophète non contenus dans le Coran mais rapportés par la tradition et qui constitue un des socles de l’enseignement religieux. « Aucun propos humiliant les femmes, recommandant ou justifiant l’usage de la violence contre les femmes ne peut être attribué au Prophète de l’islam, même par allusion », a déclaré le 20 juin Mehmet Gormez, un responsable du département.

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