Un » faucon » favorable à une opération en Irak à la tête de l’armée turque 4 août 2006
Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie, USA / Etats-Unis.Tags: Turkey / Turquie
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Le Monde (France), mercredi 2 août 2006, p. 6
Sophie Shihab
Le gouvernement turc a nommé à la tête de son armée, lundi 31 juillet, un général considéré comme un » faucon « . Cette nomination intervient au moment où la Turquie relance ses menaces d’intervenir dans le nord de l’Irak et s’interroge sur sa participation à une force de paix au Liban.
Conforme aux traditions de rotation à la tête de l’état-major, la nomination du général Yasar Büyükanit, 66 ans, commandant des forces terrestres, pour remplacer le général Hilmi Özkök, un » modéré » qui part à la retraite, met fin à des mois de spéculations sur la volonté supposée du gouvernement turc de s’opposer à cette succession.
Penchants nationalistes
Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP), aux racines islamistes, fut ainsi accusé par l’opposition » kémaliste « , laïciste et nationaliste comme les militaires, d’avoir poussé un procureur de province à demander – audace sans précédent – la mise en examen du futur numéro un de l’armée pour liens occultes avec un gang de provocateurs antikurdes.
Le procureur fut radié, mais le général Büyükanit, bien que déclaré au-dessus de tout soupçon, pourrait réagir en » animal blessé « , estiment certains commentateurs, et chercher à se venger.
Le général Büyükanit est, en effet, connu pour ses rigidités sur les questions sécuritaires et ses penchants nationalistes, tout en étant accusé, dans les milieux islamistes qu’il combat, d’être » pro-américain » et » pro-israélien « .
Il serait surtout un » faucon » de la lutte contre le PKK – le parti ex-marxiste et séparatiste des rebelles kurdes de Turquie qui opèrent aussi à partir du nord de l’Irak.
En novembre, il critiqua le gouvernement pour son refus d’ordonner une intervention de l’armée contre les camps irakiens du PKK, après des attaques de celui-ci en Turquie. En juillet, des attaques plus meurtrières encore – 15 militaires turcs tués par le PKK en trois jours – ont fait la » une » des médias et amené le gouvernement à menacer d’intervenir » au cas où le gouvernement irakien ou les forces américaines en Irak ne prenaient pas eux-mêmes les mesures nécessaires « .
Mais les Etats-Unis ont, comme toujours, exprimé leur opposition à toute opération » unilatérale » de l’armée turque en Irak, tout en promettant de coopérer avec la Turquie, membre de l’OTAN, contre le PKK – que Washington, de même que l’UE, ont inscrit sur leurs listes d’organisations terroristes. Ces promesses ne furent jamais mises en oeuvre, ce qui a nourri le soupçon, en Turquie, que les Etats-Unis veulent préserver le PKK comme une arme contre les régimes d’Iran et de Syrie, où celui-ci est également actif. C’est, en tout cas, ce qu’affirme l’ambassadeur d’Iran à Ankara, qui se félicite de la bonne coopération de la Turquie avec son pays contre le PKK.
Besoins sécuritaires
Dans ce contexte, l’attaque israélienne contre le Liban à la poursuite du Hezbollah a eu pour effet d’accroître l’irritation turque contre Washington, les médias dénonçant la politique de » deux poids, deux mesures » des Américains, qui » encouragent Israël à faire ce qu’ils interdisent à la Turquie « . Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a dû hausser le ton et tancer les Américains avant d’en obtenir des mises au point, confirmant que la Turquie » a le droit de se défendre contre le terrorisme « .
Des séries de rencontres entre représentants turcs, américains et irakiens, ainsi que des entretiens téléphoniques entre MM. Bush et Erdogan, ont permis à ce dernier d’assurer à son pays que, cette fois, les Américains seraient décidés à agir contre le PKK. Des membres de l’administration kurde d’Irak entamaient, par ailleurs, leurs premiers entretiens sur le sujet en Turquie.
Mais, c’est surtout l’éventualité d’une participation turque à la force de paix envisagée pour le Liban qui donnerait à M. Erdogan l’espoir de voir les besoins sécuritaires de son propre pays pris finalement en compte.
Pour autant, les militaires turcs – et sans doute le général Büyükanit lui-même, qui doit prendre ses fonctions le 30 août – restaient très prudents sur leur intérêt à se joindre à une force dont les conditions de déploiement sont inconnues, où ils risquent d’être les seuls membres musulmans et de se retrouver au côté uniquement de membres de l’OTAN, estimait-on, lundi, de source diplomatique à Ankara.
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