Les amours et excentricités de l’Orient-Express

Ouest-France (France), dimanche 20 août 2006, p. 7

Benoît Léty

Un beau livre de Vladimir Fedorovski raconte Le roman de l’Orient-Express à travers ses voyageurs les plus célèbres, et leurs frasques.

Il se targue d’avoir écrit 19 bouquins en français, et bien d’autres dans sa langue natale, le russe. Vladimir Fedorovski, qui fut interprète de Brejnev et diplomate pendant la perestroïka, mêle toujours histoire et narration dans ses livres, comme dans Le roman de l’Orient-Express, qui sort demain. Avec son léger accent russe, il nous conte les anecdotes croustillantes de la vie de ce train mythique et de ses plus prestigieux passagers.

Pourquoi parler de l’Orient-Express ? « Trois mots illustrent ce train : mystère, amour et évasion. Il fait rêver… Et c’est un symbole de l’Europe avant l’heure.»

Marlene Dietrich. « La première qui m’a parlé de l’Orient-Express. J’avais 13 ans. Elle parlait de ses voyages lointains au théâtre de Moscou. Elle a eu une histoire d’amour liée à l’Orient-Express, même deux : celle avec son amant Willy, plutôt banale, puis celle avec Josef von Steinberg, le réalisateur de L’Ange bleu. Il a entendu parler d’elle par un maître d’hôtel de l’Orient-Express. Plus tard, il y a eu tout un jeu de séduction et d’amour non avoué entre eux. Elle en a dit : « Ce qui compte, ce n’est pas le pendant, mais l’avant et l’après ».

Mata Hari. « La première strip-teaseuse de luxe. Aussi un symbole de l’espionnage. Mais l’Orient-Express était plus le repère de ses amours que son QG d’espionnage. Alors qu’elle travaillait pour les Allemands, elle a été repérée par les services secrets français à Madrid grâce à un télégramme chiffré, exagérant son rôle. Ce télégramme a ensuite servi de prétexte à son arrestation. »

Lawrence d’Arabie. « Un personnage d’une ambiguïté totale. Il est avant tout un passionné de l’Orient, d’archéologie, devenu espion pour le compte des Anglais. Il a ensuite adopté la cause de l’indépendance des pays arabes… Il voyageait souvent dans l’Orient-Express, avec son déguisement : une chemise d’étoffe largement échancrée, un short blanc retenu à la taille par une ceinture kurde dont les glands rouges montraient qu’il était célibataire. Il parlait le plus souvent l’arabe et il étonnait les voyageurs puisqu’il ne buvait pas une goutte d’alcool car il voulait respecter la culture orientale. »

Agatha Christie. « Il y a beaucoup de fantasmes sur ce train, mais la réalité dépasse souvent la fiction. Tous les plus grands espions ont pris l’Orient-Express. Agatha Christie l’a senti, et dans ses livres, elle nous donnait la clé pour comprendre la réalité. Une anecdote ? Elle y voyageait souvent avec son mari, un archéologue qui était beaucoup plus jeune qu’elle. Elle disait : « Avec un archéologue, plus vieux vous êtes, plus vieux on vous aimera ! »

L’assassinat de Trotski. « L’ancien président du KGB m’a dit que l’assassinat de Trotski avait été préparé dans l’Orient-Express. Le général Kotov, et une certaine Maria Caridad y sont tombés amoureux. Alors que le général cherchait un tueur à gages, elle lui proposa son fils cadet : « Ce sera mon cadeau à Staline. »

L’Orient-Express aujourd’hui. « Les compartiments de la Compagnie des wagons-lits ont été magnifiquement restaurés. Ils font de petits voyages près de Paris. Il y a aussi des trains stylisés Orient-Express qui vont de Venise à Prague ou Istanbul. »

Extrait :

« C’est en 1872, lors d’un séjour aux États-Unis, que Georges Nagelmackers, un ingénieur belge de 27 ans, décida de créer une compagnie ferroviaire de rêve, incomparable à tout ce que l’on avait vu jusqu’ici. Certes, au milieu des années 1860, en Amérique, la société des frères Pullman avait déjà conçu la voiture-dortoir avec des lits séparés par des rideaux. Nagelmackers lui, imagina un compartiment, la cabine fermée avec une porte donnant sur le couloir latéral. Et en 1786, il créait la Compagnie internationale des wagons-lits. »