Moscou lance un oléoduc stratégique vers la Grèce 14 mars 2007
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Les Echos (France), N°.19877, 14 mars 2007 mercredi, Pg. 1&12
Adèle Smith, de notre correspondante à Moscou
Un oléoduc va permettre d’approvisionner en pétrole russe la Grèce via la Bulgarie, en court-circuitant le Bosphore. Ce sera le premier dans l’Union européenne à être contrôlé par la Russie.
Projet en souffrance depuis plus d’une décennie, l’oléoduc Bourgas-Alexandroupolis, contrôlé par Moscou, permettra de désengorger les détroits turcs et de consolider la position de la Russie.
Vladimir Poutine doit finaliser aujourd’hui à Athènes avec son homologue bulgare, Georgi Pavanov, et le chef du gouvernement grec, Costas Karamanlis, la signature de l’accord sur la construction d’un nouvel oléoduc entre la mer Noire et la mer Egée. Le Bourgas-Alexandroupolis, d’une longueur de 280 kilomètres et d’un coût estimé à 900 millions de dollars, doit acheminer 35 millions de tonnes de brut de la mer Caspienne vers les marchés occidentaux. L’oléoduc, dont la construction doit s’achever en 2009, devrait transporter à terme jusqu’à 50 millions de tonnes de pétrole par an. Il contournera les détroits du Bosphore et des Dardanelles, complètement saturés par le trafic maritime entre l’Europe et l’Asie, et par où transite un tiers du brut russe. Le pétrole, provenant de Russie mais aussi du Kazakhstan, sera transporté par tankers du port russe de Novorossiisk, sur la mer Noire, au port de Bourgas, en Bulgarie.
La Russie cherche ainsi à diversifier ses routes d’exportation pour réduire sa dépendance envers des voisins peu malléables comme l’Ukraine et la Biélorussie, et elle présente ce projet comme une garantie supplémentaire de sa fiabilité en tant que fournisseur d’hydrocarbure, fiabilité régulièrement mise en doute en Europe, ne serait-ce qu’en raison des coupures de livraison de gaz à Kiev ou à Minsk depuis un an. Mais le très stratégique Bourgas-Alexandroupolis est aussi le premier oléoduc qui sera contrôlé par la Russie sur des territoires de l’Union européenne. « Une victoire pour la Russie, qui renforce ainsi sa position en cas de conflit géostratégique dans la région », selon Konstantin Batounine, d’Alfa Bank. Après d’âpres négociations, la Russie a réussi à imposer son contrôle sur le projet, dont elle détiendra 51 %, contre 24,5 % respectivement pour la Grèce, via Hellenic Petroleum, Latsis Group et Petroleum Gas, et la Bulgarie, via Bulgargaz. La société anglo-russe TNK-BP pressentie à la tête du consortium international chargé des opérations a même été évincée au profit de la société publique russe Transneft, selon les voeux du Kremlin.
Sévèrement critiqués
La partie russe inclura, en outre, les deux champions nationaux Rosneft et Gazprom, via sa filiale Gazp Romneft. « Comme Transneft est désormais l’opérateur, pour ainsi dire, le Bourgas-Alexandroupolis deviendra partie intégrante de notre réseau d’oléoducs », déclarait-il y a quelques jours le vice-ministre russe de l’Energie, Andreï Dementiev. Les parties grecque et bulgare seront autorisées à vendre leur part à des groupes pétroliers russes ou étrangers, mais quels qu’ils soient, ceux-ci devront négocier l’usage de l’oléoduc avec l’Etat russe par l’intermédiaire de Transneft.
Si le choix du tracé de l’oléoduc renforce également le rôle géostratégique de la Grèce et de la Bulgarie en Europe du Sud, les conditions de l’accord ont été sévèrement critiquées par la presse économique bulgare. « La compagnie de transport sera contrôlée par les Russes, ainsi que le volume des livraisons jusqu’au terminal pétrolier de Bourgas, qui ne pourra pas, par conséquent, être utilisé par le projet alternatif AMBO, soutenu par les Etats-Unis », rappelle l’hebdomadaire bulgare « Kapital ». L’oléoduc Bourgas-Alexandroupolis devrait, de toute façon, rendre économiquement impossible ce projet rival, qui devait relier la Bulgarie à l’Albanie via la Macédoine.
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