Élargissement : approche visionnaire ou pragmatique : l’élargissement divise 19 mars 2007
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Europolitique, No. 3270 English
19 mars 2007
La politique d’élargissement de l’UE est un succès indéniable. En 50 ans, une zone de paix, de liberté et de bien-être s’est étendue de six à vingt-sept pays, avec près de 500 millions de citoyens. Les élargissements successifs ont réuni, dans un cadre de coopération réussie, des pays au long passé de rivalité et d’opposition violente.
Toutefois, la dynamique qui a motivé l’élargissement jusqu’ici est en train de faiblir. L’enthousiasme qui a conduit à la chute du mur de Berlin a fait place à une « fatigue de l’élargissement », alimentée par les inquiétudes populaires (mondialisation économique, impact combiné de l’immigration légale et clandestine, changements démographiques, relations avec l’Islam, défis sécuritaires dans le voisinage proche de l’UE). Certains pensent qu’il est temps de fermer les portes de l’Union, jusqu’ici ouverte à tout pays européen.
L’UE est à la croisée des chemins. Faut-il poursuivre une stratégie d’élargissement sans fin ou fixer les frontières finales ? Certaines questions essentielles doivent trouver réponse avant que la future direction de l’UE ne soit arrêtée : jusqu’où l’Europe peut-elle s’étendre ? L’UE à Vingt-sept peut-elle devenir un acteur mondial ? Pourquoi pas quarante États membres d’ici à 2025, et 640 millions d’habitants ? L’UE intégrerait les Balkans occidentaux, la Norvège, l’Islande, la Turquie, la Géorgie, l’Arménie et la Moldavie. La Russie et la Suisse seraient les seuls « outsiders ». Cette approche visionnaire, de ceux qui pensent que l’UE sans un pays tel que la Turquie ne pourra jamais devenir un acteur mondial, prévaudra-t-elle ? Ou bien l’approche pragmatique de ceux qui pensent qu’un nouvel élargissement menacerait la stabilité et le développement intérieurs de l’UE prendra-t-elle le dessus ?
L’approche pragmatique
Depuis le début, l’intégration européenne a été un processus ouvert conduisant à une union toujours plus proche entre les peuples d’Europe. Toutefois, malgré le succès des 5e et 6e élargissements (douze nouveaux pays au sein de l’UE en trois ans), la poursuite de l’élargissement est devenue une question sensible. De plus en plus de voix s’élèvent en faveur du renoncement à l’idée de base des Pères fondateurs de l’UE, à savoir l’intégration ouverte. Un nombre croissant de dirigeants européens, dont le présidentiable français Nicolas Sarkozy, souhaitent que l’UE délimitent ses frontières une fois pour toutes.
M. Sarkozy demande à l’UE d’adopter des limites géographiques à sa politique d’élargissement afin de barrer la route de l’adhésion à un pays tel que la Turquie. Il estime que l’Europe doit se donner des frontières, que tous les pays n’ont pas la vocation de devenir des États membres, à commencer par la Turquie qui n’a pas sa place au sein de l’UE.
Au cours des dernières décennies, l’adhésion de nouveaux États membres et la poursuite de l’intégration politique ont été menées de front. D’aucuns craignent à présent que de nouveaux élargissements empêchent la poursuite de l’intégration. Selon eux, il faut arrêter l’expansion de l’UE après l’intégration des Balkans occidentaux, et se concentrer sur le renforcement de l’intégration intérieure. «Nous exploserions si nous laissions trop de pays entrer », a déclaré Doris Pack, députée chrétienne démocrate allemande au Parlement européen (PE).
Ceux qui partagent l’avis de Mme Pack insistent pour que l’UE gèle sa politique d’élargissement et se concentre sur ses réformes intérieures. Massimo d’Alema, ministre italien des Affaires étrangères, propose que l’UE intègre les pays des Balkans occidentaux, voire la Turquie, «si elle évolue complètement ». Ensuite, il faut interrompre les élargissements «du moins dans un avenir prévisible ». D’autres dirigeants proposent de geler le processus mais aussi de durcir les exigences d’adhésion. Les critères de Copenhague, fixant les normes que les nouveaux membres doivent respecter en termes de démocratie et de droits de l’Homme, devraient inclure la «capacité d’intégration » : l’UE n’accepterait que les pays qu’elle est capable d’intégrer.
L’approche visionnaire
À cette approche pragmatique, s’oppose celle défendue par un groupe encore influent de « visionnaires », favorables à une Union ouverte à tous les pays européens pour autant qu’ils répondent à des conditions clairement définies, indépendamment de la capacité actuelle de l’UE à absorber de nouveaux membres. Le député chrétien-démocrate polonais Jacek Saryusz-Wolski, nouveau président de la commission des affaires étrangères au PE, a déclaré : « Je ne pense pas qu’il faille définir les frontières finales de l’UE. Nous devrions plutôt suivre les règles des Traités, à savoir l’article 49. »
Selon Olli Rehn et Günter Verheugen, respectivement commissaire à l’Élargissement et commissaire aux Entreprises et à l’Industrie, la poursuite de l’élargissement géographique offrira une chance à l’UE de devenir «un acteur mondial à part entière » prêt à relever les défis urgents d’aujourd’hui et de demain.
Le train va-t-il continuer ?
Nul ne sait quelle approche l’emportera. Malgré la réticence accrue, surtout dans les « anciens » États membres, à poursuivre l’élargissement, l’UE n’est pas prête à renoncer au principe d’intégration ouverte. Au contraire, il est très possible que le « train » conduit par les nouveaux États membres, soutenu par le Royaume-Uni, et équipé d’un nouveau moteur, à savoir le Traité constitutionnel, continuera d’avancer vers de nouvelles gares. La prochaine pourrait être la Croatie en 2010. Les autres « gares » des Balkans pourraient être atteintes vers 2015, suivies par la Turquie en 2025. Ce train de l’élargissement pourrait poursuivre sa route vers l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie (à l’ère démocratique, post-Loukashenko), et même les pays du Caucase (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan). Pour autant, bien sûr, qu’il ne déraille pas en raison de l’opposition des États membres. Actuellement, la plus grande menace pourrait provenir d’un référendum négatif en France, notamment.
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