Les Abkhazes proches de l’extinction ethnique 20 mars 2007
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Courrier international, no. 854, jeudi 15 mars 2007, p. 24
Elza Tsiklaouri, Resonansi (Tbilissi)
Les nationalistes au pouvoir en Abkhazie s’inquiètent de la crise démographique qui menace leur peuple. Et souhaitent faire revenir sur leur terre ancestrale les Abkhazes émigrés en Turquie.
Ces derniers temps, le président [nationaliste] de la république autoproclamée, Sergueï Bagapch, parle à nouveau du rapatriement en Abkhazie de descendants des Abkhazes mouhadjirs. Leur retour serait la seule solution pour sortir d’une dramatique impasse démographique. Selon des données non officielles, à l’heure actuelle, l’Abkhazie est peuplée de 65 000 à 68 000 Abkhazes, d’autant de Géorgiens, et de 80 000 à 90 000 Arméniens. Les Abkhazes ethniques devraient être encore moins nombreux dans les années à venir.
Le quotidien turc Radikal rapportait en février les propos des autorités abkhazes, qui estimaient à 50 000 le nombre d’Abkhazes mouhadjirs suffisant pour résoudre le problème de l’extinction ethnique. Environ 400 000 Abkhazes résideraient en Turquie. De nationalité turque, ils ont même réussi à promouvoir leur représentant – Radji Avidzba – dans une instance locale. Les descendants des Abkhazes mouhadjirs possèdent par ailleurs d’importants capitaux et occupent un rang assez élevé dans la hiérarchie sociale en Turquie et au Proche-Orient. Par exemple, la garde rapprochée du défunt roi Hussein de Jordanie était constituée d’Abkhazes et de Tcherkesses.
Dans le sillage de son prédécesseur, Vladislav Ardzinba, Sergueï Bagapch s’est rendu à plusieurs reprises en Turquie pour rencontrer les représentants de la diaspora mouhadjire et discuter d’éventuels investissements dans l’économie abkhaze. Il est vrai que la question du retour n’a jamais été évoquée ouvertement, mais ce n’est pas l’envie qui manquait. Ce sont les moyens qui font défaut.
Les Arméniens redoutent l’arrivée de musulmans
Un petit groupe de mouhadjirs est arrivé en Abkhazie avant le conflit abkhazo-géorgien [1992-1994]. Une autre petite délégation avait visité Soukhoumi [la capitale de l’Abkhazie] après la guerre. Deux mouhadjirs – l’un de Turquie, l’autre de Jordanie – avaient même participé aux élections législatives abkhazes. Mais la plupart ont fini par quitter la terre de leurs ancêtres, en raison de sa situation économique désastreuse.
Pour certains experts géorgiens, le retour des mouhadjirs est dans l’intérêt des autorités abkhazes, mais également dans celui de certains services de renseignements. « Les services secrets des pays musulmans tiennent à ce que leurs agents s’implantent dans certaines régions. Le monde musulman veut garder un oeil sur le Caucase du Nord. Soukhoumi est tout près, et les services secrets ne manqueront pas l’occasion de s’y établir », estime un expert géorgien du Caucase. Les discussions sur un éventuel retour des mouhadjirs n’ont par ailleurs pas manqué d’alarmer les Arméniens résidant en Abkhazie. Ces derniers ont suggéré au président Bagapch de tenir compte des tensions arméno-turques. Pour ces Arméniens, « le rapatriement de 5 000 mouhadjirs équivaut au rapatriement de 5 000 musulmans ». Si les Abkhazes musulmans autochtones – peu nombreux et politiquement modérés – ne menacent pas les Arméniens d’Abkhazie, l’arrivée de mouhadjirs poserait à ceux-ci de « sérieux problèmes ».
Encadré(s) :
Histoire, Courrier international
Les mouhadjirs (« exilés volontaires », en arabe) sont les descendants d’Abkhazes (et de Tcherkesses) proturcs exilés lors de l’extension de l’Empire russe dans le Caucase du Nord. Au cours du XVIe siècle, la région avait été conquise par l’Empire ottoman et les Abkhazes, chrétiens depuis le VIe siècle, se sont partiellement convertis à l’islam. En 1810, l’Abkhazie est passée sous la tutelle russe. 60 % des Abkhazes musulmans ont émigré vers l’Empire ottoman entre 1864 et 1878. Les bolcheviques ont accordé à l’Abkhazie un certain degré d’autonomie culturelle et politique. Staline, en 1931, en a fait une république autonome au sein de la Géorgie soviétique.
OTAN
Adhésion, Courrier international
Selon un récent sondage, 83 % des Géorgiens se disent favorables à l’entrée de leur pays dans l’OTAN, promesse de sécurité, d’essor économique et de résolution pacifique des conflits séparatistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud. L’adhésion de la Géorgie, qui pourrait avoir lieu en 2009 ou 2010, inquiète les autorités abkhazes. Il est en effet peu probable que dans ce cas de figure la Russie reconnaisse l’indépendance de l’Abkhazie. L’Alliance atlantique a à plusieurs reprises formulé son soutien à l’intégrité territoriale de la Géorgie et son secrétaire général, Jaap de Hoop Scheffer, a d’ailleurs déclaré que l’Alliance ne reconnaissait ni la légitimité, ni les résultats des élections législatives abkhazes du 4 mars dernier.
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