Ces Turcs qui quittent Amsterdam 22 mars 2007
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Courrier international (France), no. 855, jeudi 22 mars 2007, p. 33
Merel Thie, NRC Handelsblad (Rotterdam)
De plus en plus de Néerlandais d’origine turque repartent en Turquie. Car ils trouvent la terre de leurs ancêtres beaucoup plus dynamique et tolérante !
Le nombre de Turcs qui quittent les Pays-Bas a plus que doublé en cinq ans, c’est ce qu’indiquent les chiffres du Bureau central des statistiques néerlandais. Tous ne repartent pas en Turquie, même si c’est le cas de la plupart d’entre eux. Et ce ne sont plus seulement les personnes âgées qui partent en Turquie pour leur retraite, mais aussi la deuxième et la troisième génération de Turcs qui veulent se construire une vie et une carrière. Dans une certaine mesure, on peut parler d’une fuite des cerveaux, nous dit Erdinç Saçan, de l’Association des étudiants turcs aux Pays-Bas. « Ils choisissent une vie sociale plus riche. Aux Pays-Bas, la vie s’arrête à 18 heures. En Turquie, c’est à ce moment que tout commence. »
La plupart des jeunes qui s’en vont choisissent de s’installer à Istanbul, la capitale économique du pays. C’est là que Savas Avci, 37 ans, dirige depuis cinq ans un bureau de services pour la société d’assurances en soins Agis, où travaillent une cinquantaine de personnes. Le bureau aide des Turcs et des Néerlandais à régler les soins assurés en Turquie, comme des opérations de la cataracte ou de la prostate. Avci trouve la Turquie « plus dynamique » que les Pays-Bas. « Là-bas, à Amsterdam, les magasins ferment à 18 heures, alors qu’ici, à Istanbul, personne ne refuse jamais de vendre, ça tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. » Il y a aussi des inconvénients. Il est difficile à Avci de trouver en Turquie le calme qu’il a connu aux Pays-Bas : « Remplir son frigo le samedi et se relaxer le dimanche, ça n’existe pas, ici, on ne sait jamais quand on va se reposer. »
Avci se considère comme un Néerlandais immigré en Turquie. Il a vécu aux Pays-Bas de l’âge de 10 ans à celui de 32 ans. Mais la distance avec son pays d’adoption s’est creusée. « Quand je suis aux Pays-Bas, j’entends à la radio des trucs sur ‘les allochtones ceci, les allochtones cela’. Et ça se rapporte fréquemment au foulard. Dans les soirées, je dois encore souvent expliquer tout ça. On n’a plus envie qu’on nous en parle. » Avci connaît beaucoup de jeunes Néerlandais turcs qui ont quitté les Pays-Bas pour cette raison. « Ils ne veulent pas faire partie d’une société où ils sont différents. »
Et Savas Avci trouve ça grave. « Avant, je m’inquiétais pour l’image de la Turquie aux Pays-Bas. A présent, je m’inquiète pour l’image des Pays-Bas en Turquie. »
Bahadir Felek trouve aussi que les Pays-Bas ont mal évolué : « Je dois énormément de choses aux Néerlandais. Quand je suis arrivé, à l’âge de 18 ans, on ne me faisait pas continuellement sentir que j’étais turc. Alors que, maintenant, c’est très souvent le cas. Aujourd’hui, les gens sont incertains de leur avenir et cherchent des boucs émissaires. »
La Turquie ne va pas attendre éternellement l’Union européenne, pense Felek. Les pays candidats devraient pouvoir se voir octroyer une sorte de statut de semi-membres. Mais les Turcs ne veulent pas être mis à l’épreuve jusqu’à ce qu’ils puissent devenir membres à part entière. Pour lui, « l’Europe est sur le point de perdre la Turquie. Et ça continue à porter sur le fait que nous sommes musulmans. »
Quelques jours avant la visite de la reine Beatrix en Turquie [début mars], la télévision turque a concentré son attention sur les Pays-Bas. Le sujet ne concernait d’ailleurs pas tant la reine que Geert Wilders, le député du Parti de la liberté [extrême droite islamophobe]. Wilders pense que les députés néerlandais ne doivent avoir qu’une seule nationalité : celle des Pays-Bas. Et les Turcs néerlandais Savas Avci et Bahadir Felek lui donnent raison. « C’est évident : si tu sièges au gouvernement néerlandais, il faut que tu abandonnes ton passeport turc », dit Savas. Mais ils ne comprennent pas pourquoi Wilders refuse que des musulmans puissent siéger au gouvernement. « S’il y a des musulmans, ils doivent aussi être représentés. »
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