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Syrie et Iran, une alliance stratégique 30 mars 2007

Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient.
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Le Monde (France), vendredi 30 mars 2007, p. 2

Mouna Naïm

L’un, le régime syrien, est baasiste laïque et tient les mouvements islamistes pour des ennemis dangereux. L’autre, le pouvoir iranien, est le seul détenu par les religieux au sein du monde musulman. Le premier, limitrophe d’Israël, affirme vouloir conclure la paix avec lui. Le second, séparé de l’Etat juif par des milliers de kilomètres, exclut toute paix avec ce pays, voire souhaite le détruire si l’on en croit une partie de ses dirigeants. Membre de la Ligue arabe, la Syrie est supposée vibrer, pour le moins dans une large mesure, à l’unisson des autres pays arabes. L’appétit de puissance de la République islamique d’Iran effraie, au contraire, l’ensemble des pays arabes.

Et pourtant, depuis le début des années 1980, Damas et Téhéran ont noué une alliance stratégique, dont l’Irak et le Liban ont constitué à la fois les catalyseurs et les théâtres privilégiés de mise en pratique. En dépit de différences de vues ponctuelles, passées et présentes, les deux pays ne sont pas sur le point d’emprunter des chemins divergents. Les conjonctures régionale et internationale plaident en faveur du maintien de leur solidarité réciproque.

Damas et Téhéran sont largement redevables de leur rapprochement au régime déchu baasiste irakien, rival de celui qui gouverne encore la Syrie et qui, en 1980, les a jetés dans les bras l’un de l’autre, en lançant ses troupes à l’assaut d’une République islamique d’Iran encore balbutiante. Syriens et Iraniens se retrouvaient ainsi face à un adversaire commun, avide de devenir une puissance régionale, situation dont ils auraient fait en partie les frais. Les deux pays avaient également un autre ennemi proche-oriental, Israël, désigné comme tel par la République islamique dès son avènement.

Cette double affinité syro-iranienne s’est traduite au Liban par la mise en place des conditions favorables à la gestation du fils idéologique de la République islamique, le Hezbollah, dont l’épanouissement a également bénéficié d’un renversement d’alliances local. Les milices chrétiennes qui, dans les années 1970, avaient joué la carte de l’armée syrienne contre les Palestiniens et leurs alliés libanais avaient en effet retourné leur veste en faveur d’Israël.

La Syrie devint d’abord le passage obligé vers le pays du Cèdre des instructeurs militaires, des combattants, des  » valises  » et de responsables iraniens et hezbollahis en tout genre, avant de nouer, vers la fin des années 1980, des liens politiques avec le Parti de Dieu.

Les relations entre les trois partenaires ont connu des grippages. Cela a été le cas en 1987, entre la Syrie et le Hezbollah, lorsque 27 combattants de ce parti ont été tués dans une de ses permanences à Beyrouth par l’armée syrienne. Puis, dans la première moitié des années 1990 ensuite, lorsque Damas s’était engagé dans le processus de paix israélo-arabe lancé à Madrid, au grand dam de Téhéran pour qui Israël demeurait un Etat illégitime. L’alliance n’a pas été rompue. Elle semblait néanmoins mise en veilleuse.

Elle a connu un début de réactivation à la faveur du ralentissement du processus de paix israélo-syrien depuis l’assassinat de l’ancien premier ministre israélien Itzhak Rabin, en 1995, puis une véritable redynamisation, cinq ans plus tard, avec l’interruption totale des négociations de paix en l’an 2000 et le retrait, sous les coups de boutoir du Hezbollah, de l’armée israélienne de la bande frontalière qu’elle occupait au Liban sud depuis vingt-deux ans. La politique résolument pro-israélienne et va-t-en-guerre des Etats-Unis, sous la présidence de George W. Bush, lui a donné un nouveau souffle.

Des priorités différentes

Damas et Téhéran ne déplorent assurément pas la chute du régime de Saddam Hussein en Irak, mais l’occupation américaine de ce pays est perçue comme une menace directe à leur propre existence. Leurs appréhensions sont confortées par les projets de  » changement de régime  » ici et là, évoqués épisodiquement par des responsables américains. Syriens et Iraniens considèrent également que la soudaine sollicitude de Washington et de ses alliés pour le Liban est au moins en partie dirigée contre eux. C’est vrai en particulier depuis l’adoption, en septembre 2004, de la résolution 1559 de l’ONU exigeant à la fois le retrait de l’armée syrienne du Liban et le désarmement du Hezbollah.

Dans la crise libanaise, les deux pays n’ont pas les mêmes priorités. Soucieux, face aux pressions occidentales et aux menaces israéliennes, de gagner l’ensemble du monde musulman, sunnite dans son écrasante majorité, à la cause de son programme nucléaire, l’Iran est désireux de calmer le jeu au pays du Cèdre, notamment pour éviter les risques réels d’un conflit entre sunnites et chiites. Téhéran craint aussi de voir dilapider, dans un conflit interne libanais, le prestige que le Hezbollah libanais a acquis au sein des pays musulmans, en résistant pendant trente-trois jours, à l’été 2006, à l’armée israélienne.

La Syrie a une autre priorité en tête : maintenir les tensions internes pour éloigner le spectre de l’adoption des statuts du tribunal à caractère international qui devra juger les présumés coupables de l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Des responsables syriens risqueraient d’être inculpés.

Les deux capitales ne partagent pas non plus une vision identique quant à l’avenir de l’Irak. Un Irak gouverné par ses coreligionnaires chiites ne déplairait assurément pas à Téhéran, alors que Damas souhaite y associer la minorité sunnite.

Compte tenu toutefois d’une conjoncture régionale et internationale bloquée et qui leur est plutôt défavorable, l’Iran et la Syrie ont tout intérêt à ne pas se dissocier et à oublier leurs antagonismes idéologiques originels. Ceux-ci sont-ils d’ailleurs vraiment inconciliables ? Le Baas syrien est certes en principe laïque mais, à l’extérieur de ses frontières, il n’a jamais hésité à jouer des cartes islamistes, du type Hamas palestinien (sunnite) et Hezbollah libanais (chiite), tandis qu’il utilise depuis peu, intra muros, la carte des islamistes modérés.

Le régime religieux iranien sait lui aussi faire preuve de pragmatisme lorsque ses intérêts sont en jeu : il n’a pas cillé lorsque Saddam Hussein a réprimé dans le sang, en 1991, ses coreligionnaires chiites, ni ne s’est insurgé contre l’intervention américaine en Irak l’année précédente ou contre les talibans en 2002.

Commentaires»

1. Islamo confucianiste - 12 février 2008

Génial, l’ Iran et la Syrie sont alliés. Quand l’ Iran aura l’ arme atomique, il pourra en fournir quelques bombes A à la Syrie.


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