Bagdad: jusque dans les années 1950, une mosaïque d’ethnies et de religions 11 avril 2007
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Le Monde (France), mercredi 11 avril 2007, p. 19
Caecilia Pieri
Fondée en 762 par les Abbassides, Bagdad n’est, à l’aube de la première guerre mondiale, qu’un chef-lieu de province ottomane. C’est une médina aux ruelles tortueuses, dont l’habitat en brique porte des noms issus de son histoire et de sa géographie : des noms arabes, comme sateh (toit), persans (chanachil, encorbellement) ou turcs, comme hoch (patio).
C’est aussi une mosaïque d’ethnies et de confessions. Les chiites y sont déjà légèrement majoritaires (63 000 contre 55 000 sunnites en 1917). Ces Arabes coexistent avec des Kurdes, des Persans, des Turkmènes. Les musulmans avec des chrétiens assyriens, chaldéens et arméniens chrétiens. Une grande communauté juive constitue alors près du tiers de la population de la ville.
Le 11 mars 1917, les Britanniques entrent dans Bagdad. Dans un nouveau pays placé sous leur mandat, ils installent sur le trône, en 1921, Fayçal Ier, fils du chérif déchu de La Mecque, qui déclare, dans un discours à la communauté juive, en juillet : » Les mots « juif », « musulman » et « chrétien » n’ont aucun sens quand on parle en patriote. Il n’y a qu’un pays, l’Irak ; tous ses habitants sont des Irakiens. (…) Il ne peut y avoir dans ce pays de majorité et de minorités. »
Bagdad devient l’emblème d’une véritable politique architecturale. Postes, gares, aéroports, routes, ponts, écoles sont érigés. De larges rues droites s’étendent hors des murailles. Les mahallas (quartiers) sont numérotés, ce qui permet à chacun d’avoir une adresse.
De 1920 à 1936, la population triple. L’attraction de la capitale se double d’un exode rural massif. Le centre historique se paupérise, les classes moyennes et aisées emménageant dans de nouveaux quartiers de pavillons à jardin : Battawin, Abou Nawas ou Karradat Maryam (l’actuelle » zone verte « )…
Planification urbaine
Pour la première fois, la ville se construit sur des critères socio-économiques. » La ségrégation confessionnelle se brise et les chrétiens commencent à venir habiter à côté des musulmans, ce qui était à peine pensable aux époques précédentes « , écrit en 1974 l’historien irakien Khalis Al-Achab. La modernisation s’accompagne d’une occidentalisation de la ville. En 1941, un officier britannique s’avoue déçu par le quartier chiite de Kadhimiya, qui » semble avoir été copié sur la banlieue anglaise, genre East Sheen ou Kensington. L’idéal que se fait l’Occidental quand il rêve de l’Orient reçoit ici de sérieux chocs « , écrit-il. C’est aussi à cette époque qu’apparaissent les premières sarifat (bidonvilles) peuplées de ruraux exilés.
Avec l’exode des juifs vers Israël (1950-1953) et la construction du barrage de Samarra (1956), qui signe la maîtrise définitive des crues du Tigre, la ville subit une nouvelle métamorphose. Le bureau du développement engage une planification urbaine globale. La République (1958) inaugure une politique de logement par zonage socio-fonctionnel, qui aboutit à une homogénéisation progressive des quartiers. Pour remplacer la plus grande sarifah, surtout peuplée de migrants chiites du Sud, les urbanistes créent, sur le modèle du quadrillage, le quartier de Madinat Al-Thawra (la Cité de la révolution), future Saddam-City devenue, aujourd’hui… Sadr-City.
Confessions et minorités
Sunnites
Le sunnisme constitue le rite très majoritaire de l’islam. Ses adeptes sont cependant très minoritaires en Irak (17 % à 20 %). Mais ils ont, de tout temps, régné sur la Mésopotamie et sur sa capitale… jusqu’à l’invasion américaine. En l’absence de tout recensement depuis longtemps, on estime que les sunnites constitueraient 25 % à 30 % de la population de la ville de Bagdad.
Chiites
Scission très minoritaire (15 %) de l’islam, le chiisme regroupe les » partisans d’Ali « , le gendre du prophète Mahomet. Les chiites sont cependant majoritaires (plus de 60 %) en Irak, de la région de Bagdad jusqu’au golfe Arabo-Persique. Ils constituent 55 % à 60 % des habitants de la ville de Bagdad.
Minorités
Elles représenteraient encore près de 15 % des habitants de Bagdad. Ces minorités sont nationales (Kurdes, Turkmènes et autres) ou religieuses (chrétiens, chaldéens ou assyriens).
helas oui le MOnde comme la plupart des media cherchent surtout a conforter des idees recues, bien souvent fausses, qui servent au maintien d ‘une passivité devant l’insoutenable arrogance impériale des USA et autres occupants.
Comme l’a rappelé récemment Abd El Bari Atwan redacteur en chef de Quds Al Arabi et le Reseau Voltaire, l’ancien chef de l’etat irakien avait écrit dans sa 2eme lettre de clandestinite dans Bagdad occcupée: » Mefiez vous de ceux qui parlent de sunnites et de chiites ». Entre plus de 30 ans de monde arabe je n’ai pas entendu un musulman qui me dise spontanement je suis sunni ou chia’. Ils se marient entre eux avec moins de problemes qu’un catho et un protestant, voire un francais et un allemand dans les années 70-80.
J ai vecu dans Bagdad des années 60 70 80, et confirme que les divisions urbaines et societales n’etaient pas a l ombre des religions.
Je ne suis pas l’auteur des paragraphes finaux: « Confessions et minorités », qui contiennent par ailleurs:
1) une grosse erreur: Dire »Les sunnites ont de tout temps » régné sur la Méspotamie et sa capitale est FAUX, puisque les Persans/Iraniens ont régné de 1509 à 1534, puis de 1623 à 1749 sur Bagdad; ce sont eux qui ont érigé la mosquée de Kadhimiya, principal sanctuaire chiite.
2) des amalgames: les autres gouvernements étaient certes sunnites, mais c’est simpliste de mélanger des Mongols descendant du Caucasien Gengis Khan en 1259, puis Tamerlan en 1401, ou les Mamelouks arabes au XVIIIè siècle ou encore les Turcs comme Soliman au XVIè siècle, puis l’empire ottoman. Mon article visait au contraire à attirer l’attention sur une complexité qui dérange les commodités du déterminisme à postériori.