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Orientalismes 11 avril 2007

Posted by Acturca in Art-Culture, France, History / Histoire, Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.
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l’Humanité (France), samedi 7 avril 2007, p. 12
Georges Férou

L’Orient est entré dans la culture occidentale par la Bible. Puis il y eut les Arabes en Espagne et les croisades. En dépit de l’influence de la nouvelle culture véhiculée par l’islam qui permet la redécouverte d’une partie de la littérature savante et philosophique de l’Antiquité, cet Orient-là est refoulé. C’est patent dans la Chanson de Roland, où les Basques vindicatifs sont métamorphosés ipso facto en terribles Maures puisque l’oeuvre est composée un siècle après les événements et au moment où se prépare la première croisade. L’ennemi a pris un autre visage. Les choses changent à la fin de la Renaissance avec Venise, qui commerce avec l’Empire ottoman quand il ne le combat pas. Bellini, Carpaccio, Tintoret, Titien ont de relations réelles ou imaginaires avec l’Égypte et surtout la Sublime Porte. Un autre Orient voit le jour, à la fois fascinant et redouté. Arrive Rembrandt, qui restitue au Livre sa véritable dimension hébraïque : le peintre ne voyage pas, mais vit près de l’entrée du ghetto d’Amsterdam où il puise ses modèles, ses thèmes et surtout l’esprit de la culture juive qu’il transmet dans ses peintures. Au XVIIIe siècle, de nombreux artistes vont travailler en Istanbul à la demande des ambassadeurs français, hollandais, britanniques ou russes. C’est l’âge d’or de la peinture de paysage au bord du Bosphore. Avec la campagne d’Égypte et les conquêtes coloniales un genre pictural qualifié d’orientaliste prend son essor. Le musée de Bordeaux a eu l’excellente idée de mettre en exergue les oeuvres qui répondent à cette appellation, de Delacroix à Dauzats, en passant par Gérôme, Fortuny y Marsal et Raoul Dufy. En outre, il nous fait découvrir les travaux d’un peintre peu connu, Gabriel-Sébastien Simonet qui a pris pour nom d’art Sébastien, qui a consacré beaucoup de temps à peindre les hommes et les femmes du Maroc. Ce dernier a fait son service militaire au Maroc entre 1930 et 1931 et en a profité pour exécuter un grand nombre de papiers en mettant l’accent sur les petits métiers dans les villages. Il en ressort une vision fraîche et un peu naïve, mais d’une grande sincérité et d’une authenticité indéniable.

L’aventure orientaliste a connu aussi ses riches heures avec la photographie. D’aucuns ont pu le voir en visitant la belle exposition présentée à l’Espace d’art contemporain de Royan. Alain Flueg a réuni un choix très saisissant de clichés pris à Istanbul, à Beyrouth au Caire, ou dans le Maghreb. De grands ateliers, créés à l’époque, ont réalisé un travail de longue haleine loin d’être purement exotique et anecdotique.

Alors que les Turcs, comme l’a compris Théophile Gautier quand il se rend à Istanbul au milieu du XIXe siècle, tentent d’introduire la perspective dans une peinture de plus en plus inspirée de l’Occident, les Occidentaux trouvent dans l’art oriental un mode d’inspiration et également une nouvelle source de délectation esthétique. Des collectionneurs et des marchands d’art avisés, comme Théodore Duret et Samuel Bing, des peintres passionnés par un art si loin de leurs conceptions introduisent en France un nouvel esprit artistique. Une mode pour le Japon, baptisée « japonisme » se fait jour et l’art pictural s’en trouve profondément modifié. Édouard Manet, Claude Monet puis Vincent Van Gogh et Henri de Toulouse-Lautrec s’en emparent pour imaginer de nouvelles manières de penser le tableau. Il est curieux de songer qu’à la même époque les créateurs nippons commencent à utiliser, en les adaptant, les règles de la perspective de la peinture du monde occidental.

La richesse des collections publiques françaises dans ce domaine est à la mesure de l’engouement que les estampes de l’ukyo-e ont suscité à l’époque de l’impressionnisme. On en mesure mal l’ampleur. Les expositions jumelées de Saint-Omer et de Calais sont là pour le rappeler. Dans la première ville, ce sont les courtisanes décrites par Harunobu et Utamaro qui sont exaltées alors que, dans la seconde, ce sont les acteurs célèbres du théâtre kabuki qui sont placés sur un piédestal. Au début du XVIIe siècle, Edo, qui va s’appeler Tokyo plus tard, remplace Kyoto comme capitale de l’empire du Soleil-Levant et symbolise la récente pacification du pays. Cette ère d’Edo est marquée par la naissance d’un art populaire et citadin qui, très vite, se métamorphose pour adopter des formes très sophistiquées. Le théâtre kabuki ne tarde pas à s’élever au rang du théâtre shakespearien et les artistes qui ont adopté les techniques de la xylographie parviennent eux aussi à un degré de virtuosité et d’excellence. Une nouvelle culture est née et son berceau se trouve dans les quartiers de plaisir de la nouvelle capitale. Les graveurs exécutent aussi bien le portrait des dames qui vendent leurs charmes que celui des grands comédiens du kabuki. L’interdiction de cette production vers 1830 provoque un renouvellement profond de l’activité des ateliers de gravures. Cela se traduit par l’introduction du paysage comme genre à part entière : c’est une façon de complètement s’accaparer des formes traditionnelles pour les renouveler dans la sphère de la xylographie. L’homme qui incarne cette mutation est Katsushika Hokusai. Quand la première série des Trente-six vues du mont Fuji est imprimée en 1831 (la publication est achevée trois ans plus tard), Hokusai, qui a déjà soixante-dix ans, révèle non seulement sa capacité à renouveler un genre, mais aussi à porter la force, la finesse et la subtilité de son style à un degré inconnu jusque-là. La Bibliothèque nationale de France réédite ce volume qui comprend des oeuvres désormais connues dans le monde entier, comme Sous la vague au large de Kanagawa. Cette institution a pris soin, avant de mettre en relief l’incroyable richesse de ses fonds, de mettre sous presse une anthologie du grand manuel de dessin que Hokusai a entrepris à partir de 1819. Le vieux maître n’en verra jamais la conclusion puisque le quinzième volume paraît en 1878, près de vingt ans après sa mort. Cet ouvrage constitue une somme exceptionnelle de 673 planches et de 4 000 dessins. C’est le compendium de son univers et, en même temps, une véritable encyclopédie graphique de son temps. Ce livre est intitulé Manga, de « man », chose sans suite et de « ga », dessin. Ce mot a connu plus récemment une fortune considérable, hélas ! dans une optique assez éloignée de celle du « fou de dessin ».

Désir d’Orient,

musée des Beaux-Arts, Bordeaux, jusqu’au 28 mai.

Le Maroc de Sébastien,

musée des Beaux-Arts, Bordeaux, jusqu’au 28 mai.

Catalogue : Art + musées et monuments, 144 pages, 23 euros.

L’Aventure orientale, d’Alain Fleig, Éditions d’une certaine manière, 96 pages, 19 euros.

Plaisirs d’Edo,

musée de l’Hôtel-Sandelin, Saint-Omer, musée des Beaux-Arts et de la Dentelle, Calais, jusqu’au 17 juin.

Catalogue : Éditions Gorcuss Gradenigo, 120 pages, 24 euros.

Les Trente-six vues du mont Fuji, Hokusai, présentées par Jocelyn Bouquillard, éditions Seuil-BNF, 120 pages, 29 euros.

Manga, Hokusai, présenté par Jocelyn Bouquillard et Christophe Marquet, Seuil-BNF, 160 p., 25 euros.

Commentaires»

1. nemeck daniel - 11 septembre 2008

je crois que nous pouvons gagner à mettre dans cette page des elements de la bible qui sont purement de la culture orientale pour permettre au lecteur du livre de comprendre mieux le texte debarrassé de ces carcans


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