« Ce sera Royal ou Bayrou, de toute façon un vote utile » 12 avril 2007
Posted by Acturca in France, Immigration.Tags: France
trackback
Libération (France), no. 8063, mardi 10 avril 2007, p. 14
Didier Arnaud
Présidentielle Zoom J – 1 Vu de banlieue Troisième rencontre avec Mustafa Yildiz, chef d’entreprise en Gironde : « Ce sera Royal ou Bayrou, de toute façon un vote utile »
Il est perdu dans les montagnes. Mais il n’oublie pas la campagne. Mustafa Yildiz, chef d’une entreprise en électricité à Cenon (Gironde), est en vacances en Kabylie. «Un pays magnifique, on comprend que les Français aient eu du mal à en partir», raconte-t-il. C’est le pays de son épouse. Le coin est paumé, la maison de ses beaux-parents n’est accessible qu’à pied. Mais le portable passe, les chaînes de télé françaises aussi. Avant de partir, il s’inquiétait de l’accueil, du choc des cultures : «Un Turc en Algérie ?» soufflait-il. Mais ça se passe bien.
Il y a quatre jours, Mustafa a fait un cadeau. Acheté un mouton. «Dans ma tradition à moi, je le découpe et je le distribue.» En attendant de le partager, il déguste la présidentielle. «C’est comme si c’était leur campagne à eux. Mon beau-frère est captivé par Ségolène Royal. En revanche, ils détestent Sarkozy.» Et d’ajouter : «La France fait toujours rêver.» Avec son beau-père, qui y a vécu, il parle de l’Hexagone. «La loi sur les bienfaits de la colonisation, ça les fait rigoler», rapporte-t-il. Son beau-frère lui a expliqué que «pour une lettre de français qu’ils apprenaient, on leur volait des litres de pétrole». La Kabylie lui parle. «J’ai besoin de connaître leur passé, envie d’apprendre, c’est une histoire de mélange.» Un mélange qui lui fait se rappeler que la Turquie a été présente trois cents ans en Algérie. «Ils connaissent un peu la réputation des Turcs. Ils ont gouverné, pas colonisé», assure-t-il. Quand il est arrivé ici, les gens l’ont «pris pour un Arabe», non pour un Kabyle. Jamais pour un Turc. «Les Turcs, ils sont plus blancs que moi», s’amuse-t-il.
En France, la veille de son départ, les policiers aussi l’ont pris pour un Arabe. Il a fait l’objet d’un contrôle «musclé» dans le quartier sensible de Cenon, où il habite. «On n’avait rien à se reprocher», plaide Mustafa. Et pourtant, ils ont eu droit à la queue de poisson, aux mains sur le toit du véhicule, au pistolet sorti. Son ami tunisien s’est mis en colère : «On n’est pas des animaux.» Alors un des fonctionnaires a sorti le chien, qui a reniflé son copain : «On a plus de respect pour le chien que pour toi», aurait alors lâché le policier. Mustafa leur a rappelé que un an et demi plus tôt les mêmes avaient bouclé le quartier. Lui qui a été récompensé comme «Talent des cités» par Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale, pense qu’il faut rétablir la police de proximité. «Pas celle qui te fait des contrôles au faciès, te chope, te fouille de bas en haut.»
A quelques jours du premier tour, Mustafa ne s’est pas encore décidé. Même s’il a sa «petite idée».«Ce sera Royal ou Bayrou, de toute façon un vote utile», prévient-il. L’envie de s’engager localement le taraude depuis longtemps. Mais pour peser vraiment, pas pour être juste sur la photo. L’UDF l’a contacté. «Si c’est pour faire des bonnes choses dans le quartier, il n’y a pas de problèmes.»
Commentaires»
No comments yet — be the first.