Derrière la bataille du voile, les paradoxes de la Turquie 23 avril 2007
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La Tribune de Geneve (Suisse), Pg. 5
17 avril 2007 mardi
Laïcité. Faut-il craindre le «péril islamiste» ? Ou au contraire constater une certaine «libération» de la femme ?
L’épouse du prochain président de la République sera-t-elle voilée? La Turquie ne se passionne que pour cette question cruciale. Samedi, plus de 300 000 personnes ont défilé dans les rues d’Ankara pour s’opposer à la candidature de Recep Tayyip Erdogan, l’actuel premier ministre islamo-conservateur, à l’élection présidentielle qui aura lieu dans la première quinzaine de mai. Pour ces défenseurs des acquis laïcs de la Turquie, le fichu de son épouse, Emine, constitue la preuve d’un «péril islamiste» et est le symbole d’une islamisation rampante du pays. Une première dame voilée est tout simplement inenvisageable à leurs yeux. «Si elle tient à garder son foulard, qu’elle reste à la maison», s’indignait Betül Turan, une éditrice à la retraite, qui participait à la manifestation.
En Turquie, pays laïc à large majorité musulmane, le port du foulard résume la fracture dans la société. Le gouvernement AKP, qui trouve ses origines dans l’islam politique, a fait de l’autorisation du voile dans les administrations et les Universités une promesse électorale. Sans succès. Pour le camp des «laïcs» ce carré de tissu est le signe militant de l’islamisme politique: à tel point, que les épouses voilées des ministres ne sont pas invitées aux réceptions données au palais de Cankaya par l’actuel président de la République, Ahmet Necdet Sezer, intransigeant sur l’étiquette vestimentaire.
Moins de foulards, mais plus visibles
Pourtant, au-delà des passions que déclenche le foulard, son port recule dans la population, selon une étude menée par la Fondation d’études économiques et sociales (Tesev). Entre 1999 et 2006, la proportion de femmes turques sortant dans la ruesans voile est passée de 27,3% à 36,5%. Celles portant le«çarsaf», l’habit noir quicouvre toute la silhouette, ne représentent plus que 1,1% de la population féminine. Et, sans surprise, c’est la génération des 18-24ans qui se découvre le plus: une jeune femme sur deux a abandonné le voile. «Ces résultats contredisentles idées reçues en Turquie car la majorité des personnes interrogées sont persuadées que le voile islamique est en augmentation», explique Binnaz Toprak, professeur à l’Université du Bosphore à Istanbul et coresponsable de l’enquête.
Paradoxalement, le foulard est effectivement de plus en plus visible dans l’espace public. Des jeunes filles avec des fichus rose vif, la dernière mode, et des tuniques qui couvrent les cuisses mais ultramoulantes déambulent dans les rues stanbouliotes en tenant leur petit copain par la main. Des élégantes au foulard griffé, issues de la nouvelle bourgeoisie musulmane, conduisent des 4×4 en fumant des cigarettes. «Ces femmes font désormais des études, s’intègrent dans la vie sociale turque, elles vont au cinéma, fréquentent les restaurants, se félicite Binnaz Toprak. Avant elles en étaient exclues car elles ne sortaient pas de chez elles et de leur quartier. Il n’y a aucune raison de s’effrayer de ce processus d’émancipation, au contraire. »
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