La question chypriote premier obstacle à l’adhésion européenne 29 avril 2007
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Les Echos (France), no. 19908, vendredi 27 avril 2007, p. 8
Yves Bourdillon
Pour l’instant, c’est la résolution du problème chypriote qui constitue le principal obstacle à une adhésion, à l’horizon 2020 de la Turquie, qui a commencé à frapper à la porte de l’Union européenne il y a quarante-cinq ans. Un an après avoir lancé les négociations, Bruxelles a bloqué en décembre dernier 8 chapitres de négociations sur 38 après qu’Ankara a refusé d’ouvrir ses ports et aéroports aux transporteurs chypriotes-grecs (le gouvernement avait proposé d’ouvrir un port et un aéroport mais n’a pu confirmer par écrit cette proposition suite au feu rouge de l’armée au dernier moment). Mais Bruxelles a accepté le mois dernier d’ouvrir un nouveau chapitre, sur la politique industrielle, car la majorité des Etats membres, emmenés par la Grande-Bretagne, est en principe favorable à l’adhésion.
« Identité européenne »
Autre pierre d’achoppement, la liberté d’expression, en raison notamment de l’existence du fameux article 301 sur le délit d’« insulte à la nation », qui voit 40 journalistes ou syndicalistes poursuivis actuellement par une union de juristes nationalistes. Bruxelles estime aussi que la Turquie constitue un énorme « morceau » à digérer puisqu’elle devrait représenter un Européen sur 13 et le principal pays de l’Union devant l’Allemagne. Un pays où le pouvoir d’achat ne dépasse pas le quart de la moyenne européenne, et où un actif sur trois survit dans l’agriculture. En revanche, le problème kurde ne semble plus insurmontable, puisque la guérilla du PKK est pratiquement interrompue depuis quatre ans et que les quelque 15 millions de citoyens turcs d’origine kurde ne risquent plus depuis dix ans la prison quand ils parlent leur langue en dehors de chez eux. La Turquie a aussi supprimé la peine de mort en 2002. Reste la question de sa fameuse « identité européenne », symbolisée par le fait qu’effectivement 3 % seulement de son territoire se situe à l’ouest du Bosphore. Cet argument sur des frontières « qui sont en fait des productions culturelles » sert d’« alibi pour rejeter un pays musulman », se récrie Cengiz Akter, directeur du Centre pour l’union européenne, selon qui « l’Empire ottoman a fait partie pendant six siècles du concert occidental, demandez à Montesquieu ».
L’Arménie, sujet brûlant
« Soi-disant génocide ».
Difficile d’imaginer en Turquie un sujet plus sensible que le génocide arménien. Selon un sondage, 80 % des Turcs préféreraient renoncer à l’adhésion à l’Union européenne plutôt que de se résoudre à reconnaître, selon l’expression consacrée ici, ce « soi-disant génocide ». Pour avoir évoqué ces massacres, occultés dans les manuels scolaires jusqu’à récemment, qui auraient fait en 1915-1917 environ 1,5 million de victimes, soit les deux tiers de la population arménienne de l’époque, le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk a été poursuivi en justice pour « insulte à l’identité turque » aux termes du fameux article 301 de la loi sur la liberté d’expression. Le directeur d’un journal turco-arménien, Hrant Dink, a été tué en janvier dernier par un jeune nationaliste, Ogun Samast, après avoir été désigné à la vindicte populaire par des poursuites menées au nom du même article 301. Après que 100.000 personnes ont manifesté à Istanbul au chant de « nous sommes tous des Hrant Dink », des supporters d’un club de football ont répliqué « nous sommes tous des Ogun Samast »…
Après neuf décennies, on pourrait penser qu’Ankara saurait affronter son passé. Ce serait oublier que la négation du génocide est au coeur de l’identité nationale de la Turquie moderne inventée par Mustafa Kemal en 1923. Ce dernier s’est inspiré d’une idéologie nationaliste-réformatrice incarnée par le parti CUP des Jeunes-Turcs au pouvoir depuis 1909 avec un agenda de purification ethnique. Reconnaître le génocide serait admettre que l’État turc fut fondé sur des bases criminelles.
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