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Turquie-France : je t’aime, moi non plus 29 avril 2007

Posted by Acturca in Economy / Economie, France, Turkey / Turquie.
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Les Echos (France), no. 19908, vendredi 27 avril 2007, p. 9
Yves Bourdillon

La Turquie s’estime trahie par la France sur sa demande d’adhésion à l’Union ou sur le dossier arménien, mais a accueilli de nombreuses entreprises de cette république laïque avec laquelle elle estime bénéficier d’un cousinage ancien.
Renault, arrivé dès 1970, se sert désormais de sa base turque pour exporter dans le monde entier avec des critères de qualité parmi les meilleurs de son réseau. Ci-dessus l’usine d’Oyak.

Amertume, colère, incompréhension, c’est un peu sur le registre de la chanson de Gainsbourg « Je t’aime, moi non plus » que se déclinent les relations d’Ankara avec Paris depuis près de trois ans. La plupart des analystes turcs estiment en effet que la France est le pays le plus hostile à l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, avec l’Autriche et, évidemment, Chypre. Car la Grèce, malgré une inimitié historique, est favorable à l’intégration de son voisin, synonyme de stabilisation. Cette hostilité a été illustrée par la campagne présidentielle française : Nicolas Sarkozy et François Bayrou s’étaient prononcés par principe contre l’adhésion turque, car « l’Asie mineure n’est pas en Europe », tandis que Ségolène Royal l’a conditionnée, ce que ne fait pas la feuille de route fixée par Bruxelles, à la reconnaissance par Ankara du génocide arménien. Ce qui est parfaitement inacceptable pour les Turcs. C’est d’ailleurs le dossier arménien, et notamment le fait que le Parlement français ait fait voter, en octobre dernier, une loi unique au monde punissant d’un an de prison toute négation du génocide arménien, qui figure au coeur du contentieux avec Paris. Même si elle n’a pas encore été ratifiée au Sénat. Pourquoi la France ne punit-elle pas la négation de tous les autres massacres à grande échelle « au Rwanda, au Cambodge, en Uruguay, en URSS, dans la Chine de Mao, en Amérique du Nord ? », demande le quotidien intellectuel laïc de gauche d’Istanbul, « Cumhuriyet », qui constate que les parlementaires français laissent les seuls historiens écrire l’histoire de la colonisation, mais n’ont pas tant de scrupules pour l’histoire des autres… Cette loi avait d’ailleurs été très critiquée par ceux-là mêmes qui travaillent en Turquie au devoir de mémoire, parfois au péril de leur vie.

Plus généralement, les Turcs ont l’impression de payer pour les tensions françaises autour de l’immigration. Ils sont prompts à rappeler que la Turquie, s’inspirant de l’esprit des Lumières précisément français, est un Etat laïc depuis deux siècles, et encore plus depuis la révolution kémaliste de 1923 menée contre l’establishment religieux. Les femmes ont gagné ici le droit de vote quinze ans avant leurs consoeurs françaises. La Turquie est aussi, avec la France, le seul pays d’Europe à interdire le voile islamique dans l’espace public.

Les échanges menacés

Ce sentiment de trahison, d’autant plus intense que les élites turques sont traditionnellement francophiles et classent l’Hexagone parmi les trois pays qui comptent le plus pour eux, avec les Etats-Unis et l’Allemagne, pourrait commencer à nuire aux relations bilatérales. Ainsi, Ankara a fait savoir récemment qu’il suspendait pour raisons politiques les négociations avec Gaz de France (GDF) sur sa participation au projet de gazoduc Nabucco.

Un accroc qui survient dans un contexte de dynamisme remarquable des échanges. Il y a vingt ans, une quinzaine d’entreprises françaises seulement étaient implantées en Turquie, on dénombre 250 filiales aujourd’hui, note François Sporrer, du poste d’expansion économique. La France est le septième investisseur étranger dans le pays. Presque tous les ténors du CAC 40 sont présents, dans l’énergie avec Areva, l’équipement électrique avec Schneider, le verre avec Saint Gobain, le ciment avec Lafarge, le textile avec Lacoste, le téléphone avec Alcatel, la distribution, où Carrefour est le numéro deux du secteur, la restauration (Sodhexo, Eurest), la banque avec notamment BNP et Dexia, l’assurance avec Groupama ou AXA, associée à Oyak, le fonds de pension de l’armée, l’hôtellerie avec le retour d’Accor. Une implantation parfois de longue date puisque le numéro un français en Turquie, Renault, est arrivé dès 1970 pour fabriquer ici les R12 destinées au marché local mais se sert désormais de sa base turque pour exporter dans le monde entier avec des critères de qualité parmi les meilleurs de son réseau.

Depuis l’instauration d’une union douanière il y a onze ans, les exportations françaises ont triplé et les importations ont quadruplé, pour porter les échanges bilatéraux à 9 milliards d’euros,mais la France conserve bon an mal an un excédent commercial de 1 milliard d’euros. Avec des achats en hausse de 12 % l’an dernier à 5,3 milliards d’euros, la Turquie est devenu le cinquième débouché des Français, hors Union européenne. Derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon. On constate toutefois que Paris a glissé de la quatrième à la cinquième place des fournisseurs d’Ankara, derrière Berlin, Moscou, Rome et Pékin. Cette coopération économique trouve de nouvelles facettes avec l’Agence française de développement (AFD), explique son directeur, Regis Marodon, qui a distribué 450 millions d’euros de crédit depuis trois ans pour porter des projets notamment dans les énergies renouvelables ou le financement de PME dans les régions délaissées.

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