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Ne paniquons pas au moindre bout de fichu ! 21 février 2008

Posted by Acturca in Turkey / Turquie.
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Courrier International (France), 21 février 2008, p. 26

Gülay Göktürk, Bugün (Istanbul)

Autoriser le port du voile à l’université ne conduit pas au chaos. Ce serait au contraire le signe d’un pluralisme véritable, estime la chroniqueuse progressiste Gülay Göktürk.

Alors que la Cour constitutionnelle devrait prochainement être consultée et donner son avis sur la question de la levée de l’interdiction du voile à l’université, on sent poindre en Turquie, depuis plusieurs jours, la crainte d’une grave détérioration du climat social. A en croire les journaux et surtout la télévision, qui renchérit dans ce sens, la Turquie serait sur le point d’imploser. Les universités seraient gangrenées par la division, tout comme la haute magistrature et les ordres d’avocats. La société turque se trouverait ainsi profondément divisée, ce qui ne serait pas une évolution souhaitable. Même l’éditorialiste de Milliyet Taha Akyol, dont j’apprécie pourtant les prises de position, semble avoir succombé à la panique : il demande au président de la République de renvoyer au Parlement la proposition de modification de la Constitution pour qu’une solution visant à faire baisser la tension puisse être trouvée. Imaginez donc que, pour éviter des troubles, la proposition de modification de la Constitution – pourtant adoptée par une majorité record de quatre cinquièmes des voix à l’Assemblée nationale – puisse être rejetée par le président Abdullah Gül, qui de son côté est persuadé du bien-fondé de ce projet de modification ! S’il ne s’agit pas là de céder à la panique, alors je ne sais pas ce que c’est…

Pourtant, en faisant preuve de sérénité, on devrait se rendre compte que les désaccords qui se manifestent dans le monde universitaire et judiciaire traduisent une situation bien plus naturelle que celle qui prévalait auparavant. En effet, ce qui devrait être considéré comme bizarre, c’est le discours univoque qui émanait jusqu’à maintenant de ces institutions. Est-il normal que la communauté universitaire au sein de laquelle évoluent au moins 80 000 personnes s’exprime toujours d’une seule voix dès lors que l’on aborde des questions relatives à la démocratie et au régime parlementaire ? Cette attitude est-elle vraiment celle qui sied au monde académique, où en principe l’expression des différences devrait être le moins problématique ? Dans ces conditions, pourquoi cédons-nous à la phobie de l' »éclatement de l’université » dès l’instant où un groupe d’universitaires prend des positions divergentes ? Devons-nous tirer la sonnette d’alarme lorsque des opinions contradictoires émanent du barreau ? Est-il naturel que toute la société pense de la même façon sur un sujet aussi fondamental que la laïcité et que nous succombions à la panique dès que des manifestants expriment leur opposition à ce projet de modification de la Constitution ?

Admettre un combat d’idées sans violence

Les sociétés démocratiques ne sont pas de longs fleuves tranquilles. Elles ne se distinguent pas nécessairement par la tranquillité, l’ordre et la discipline ; elles sont aussi le théâtre de divergences philosophiques parfois irrémédiables où la polarisation le dispute au compromis. Toute la question réside alors dans la capacité de ces sociétés à admettre ce combat d’idées, sans qu’il s’accompagne de menaces, de violence et de censure. Si ce type de société se révèle trop faible et n’a donc pas les moyens d’admettre ces divergences, il ne mérite de toute façon pas le qualificatif de démocratique. Certes, on peut toujours penser que notre société n’a pas encore suffisamment développé une tradition de débat démocratique. Comment faire, alors, pour pouvoir se doter d’une telle tradition ? En invitant systématiquement tout un chacun à se taire dès qu’une divergence apparaît, parce que sinon « ce sera le chaos » ?

La Turquie dispose de suffisamment de maturité pour pouvoir débattre sur des sujets aussi sensibles que le voile sans verser dans la violence et pour déjouer d’éventuelles provocations sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle le débat qui a lieu en ce moment, certes très dur, ne me fait pas peur. Mais je crains que la panique ambiante ne pousse la Cour constitutionnelle à se considérer comme la dernière institution en mesure de mettre un terme au « chaos ». Cela aboutirait en effet à ce qu’une institution qui ne peut prendre de décision que sur la base de considérations strictement juridiques se sente investie d’une responsabilité politique et sociale, et ses décisions apparaîtraient par conséquent forcément politisées. C’est alors que de véritables troubles pourraient survenir, dans la mesure où l’essence même de ce qui permet aux individus et aux groupes de vivre ensemble malgré leurs différences, à savoir la garantie de l’indépendance de la justice, aurait disparu.

Courrier international

Le voile et la barbe

« L’AKP [Parti de la justice et du développement, islamo-conservateur, au pouvoir] ne cesse de renchérir dans l’autosatisfaction en agitant son bilan économique », écrit Güngör Mengi dans Vatan. « Les dernières statistiques officielles montrent pourtant que le chômage est en hausse, en particulier dans les villes. Voici ce que m’a écrit à ce propos un ancien électeur de l’AKP qui ne supporte plus la façon dont ce parti met en avant un bilan économique qui ne résiste pas à la réalité : ‘Lorsque l’AKP est arrivé, on avait la liberté, la laïcité et la république. Ils nous ont distribué du charbon et de la nourriture gratuitement et nous ont demandé de voter à nouveau pour eux en fermant les yeux. Lorsqu’on les a ouverts, on avait le voile et la barbe, ils avaient l’argent et le pouvoir !' »

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