La voix du « Gurbet Show »

L’Est Républicain (France), 15 mars 2008, p. 7

Ghislain Utard

Depuis bientôt une décennie, Mustafa Ari, 23 ans, anime sur Radio Fajet une émission pas comme les autres. En turc et en français. Et pour tous. Une belle aventure des ondes.

Il avait à peine 15 ans quand il s’est retrouvé en studio, casque sur les oreilles et micro au bout des lèvres. « C’était très dur. J’avais l’impression de parler en public à des millions de gens. J’avais des gouttes de sueur qui perlaient sur le visage » rit-il.

Neuf ans plus tard, avec ses yeux bleus et sa gueule de beau gosse que ne soupçonnent sans doute pas beaucoup de ses auditrices, Mustafa Ari, 23 ans, est toujours à l’antenne de Radio Fajet (94.2 FM). Mais au-delà de sa plastique, il incarne surtout sur les ondes l’ouverture au monde, la double culture, l’intégration. Autant de valeurs que partage la radio associative dont la grille est également riche d’émissions à couleurs portugaises (« Fados »), berbères (« Tiziri »), européennes…

Le pari de Mustafa, c’est d’orchestrer, « sans communautarisme, sans politique mais avec le souci de faire découvrir une culture et de balayer les préjugés », une émission qui est à la fois en turc et en français ! Qui s’adresse à tout le monde, qui jongle entre les deux langues pour que chaque auditeur s’y sente chez lui.

Chaque vendredi soir, de 18 h 30 à 19 h 30, le « Gurbet Show » mêle, dans une ambiance détente, de la musique turque, des dédicaces, des messages, des explications sur des régions à découvrir comme la Cappadoce ou encore des poèmes, des spécialités culinaires.

« J’adore les aubergines farcies ! » s’exclame « Mus » (prononcez mousse) avec une délicieuse spontanéité. Et une simplicité qui fait sa réussite depuis 11 ans. « L’important, c’est que les gens se retrouvent dans l’émission. Et j’y dis exactement les mêmes choses dans les deux langues. » Toute la difficulté, c’est d’alterner rapidement pour éviter que le public décroche.

En fait, le Gurbet Show (un nom qui fait référence aux gens partis s’installer ailleurs) est aussi une belle histoire de famille.

L’émission est née il a dix ans. Avec Oruk et Gulcan. Qui ne sont autres que les frère et sœur de Mustafa, aujourd’hui sous d’autres cieux. Et voilà sept ans que « Mus » virevolte seul derrière le micro. « Je n’ai pas la prétention d’avoir changé des choses » dit-il modestement. Son ambition, c’est simplement de tisser du lien, de favoriser la compréhension, d’apporter de la détente aux Turcs d’origine (« près de 15.000 dans le bassin de vie ») et à tous les auditeurs français. A tous ceux aussi qui, comme lui, ont une double culture. « Je suis arrivé à 3 ans en France, en 1988. Mon père y était depuis 1973. La famille l’a rejoint. »

Rêve de télé

Depuis son adolescence, la radio, c’est le fil rouge de sa vie. Pas son métier. « J’ai suivi une formation de carrossier peintre. Puis, j’ai travaillé dans le bâtiment. Ca ne me plaisait pas. » Il a changé de voie. Il est actuellement étudiant en commerce. « Ça me correspond bien » explique-t-il. Mais il avoue volontiers caresser d’autres rêves médiatiques. « Comme celui d’avoir une émission sur une télévision turque. »

En attendant, le « Gurbet Show » a élargi son audience avec internet. On écoute Mustafa sur le web à Paris, Colmar, dans le sud… Et en Turquie, bien sûr. D’où on l’appelle pour des dédicaces.

« Ce qui motive » souligne-t-il avec sincérité, « ce sont ces gens qui m’écoutent ». Pas mal de jeunes…

« L’important pour une émission, c’est que les gens s’y retrouvent. »