L’Union pour la Méditerranée, projet sarkozien corrigé par Merkel 17 mars 2008
Posted by Acturca in EU / UE, France, Turkey-EU / Turquie-UE.Tags: Allemagne, Angela Merkel, EU / UE, France, Henri Guaino, José Manuel Barroso, Nicolas Sarkozy, Union pour la Méditerranée
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Libération (France), 15 mars 2008, P.12
Jean Quatremer
Vers minuit, jeudi soir, Nicolas Sarkozy en personne, débarque en salle de presse française, à l’issue du dîner des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement qui clôture la première journée du Conseil européen de Bruxelles. Le chef de l’Etat explique qu’il vient, une nouvelle fois, d’engranger un éclatant succès avec son projet d’Union pour la Méditerranée. « C’est la troisième initiative française, après le traité simplifié, après le groupe des sages [chargé de réfléchir à l’avenir de l’Europe, ndlr], qui rassemble un très large consensus en Europe. C’est une très bonne nouvelle. »
Claque. Durant plus d’une heure, il vante le succès de son initiative qui a été accueillie « à l’unanimité, avec un grand enthousiasme ». En réalité, le Président s’est pris une belle claque dans cette affaire mal préparée et mal vendue. Le concepteur du projet d’Union euro-méditerranéenne est Henri Guaino, conseiller spécial du Président. Durant la campagne, ce souverainiste convaincu, qui est alors la « plume » du candidat, imagine de créer cette institution afin d’offrir une alternative à l’adhésion de la Turquie, dont Sarkozy ne veut pas. Floue, l’idée n’a pas été testée auprès des partenaires de la France, au premier rang desquels l’Allemagne.
Elu, Sarkozy n’en démord pas. Les capitales européennes font alors connaître leurs réticences car il existe déjà une sorte d' »Union », lancée en 1995 sous le nom technocratique de « processus de Barcelone ». Il vise à aider le développement des pays du pourtour méditerranéen. Pourquoi, dès lors, ajouter un « machin » supplémentaire qui risque d’être budgétivore ? Pourquoi ne pas simplement relancer ce « processus » ? Cette méfiance se transforme en franche hostilité lorsque Guaino précise sa vision: cette Union ne doit inclure que les pays riverains de la Méditerranée, et exclure tous les pays du nord de l’UE et surtout la Commission qu’il n’aime guère. Berlin monte sur ses grands chevaux : la France ne cherche-t-elle pas à diviser l’Union et à compromettre l’équilibre européen d’après-guerre ? L’Allemagne qui, depuis la chute du communisme et l’élargissement, en 2004, est à nouveau au centre géostratégique de l’Europe, ne veut surtout pas d’un retour de ces alliances de contournement dont elle a eu à souffrir au cours de son histoire. Cette peur a été gravement sous-estimée par le tandem Sarkozy-Guaino.
Mais les pays du sud de l’Europe ne sont pas plus enthousiastes, craignant de tomber sous la coupe française. Guaino, qui se rend à Berlin pour expliquer son projet, au début de l’année, est très mal reçu. On est à deux doigts de l’incident diplomatique. Sarkozy comprend qu’il lui faut en rabattre. Le 3 mars, à Hanovre, il rencontre en tête-à-tête la chancelière allemande, Angela Merkel.
Crûment. Le projet qui a été présenté au Conseil européen jeudi soir porte le sceau franco-allemand : plus question d’exclure qui que ce soit. Le projet est rebaptisé « Union pour la Méditerranée ». « C’est du Barcelone plus, résume crûment Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois. La Commission garde une place centrale, elle restera le maître d’oeuvre du système. »José Manuel Barroso, le président de la Commission, a même précisé que « l’Union pour la Méditerranée » n’était pas une « alternative » à l’adhésion de la Turquie. Comme l’a dit Sarkozy jeudi soir, « c’est difficile de faire l’Europe sans compromis ».
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