Accusé d’activités anti-laïques, l’AKP riposte 25 mars 2008
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Le Temps (Suisse), 25 mars 2008
Delphine Nerbollier, Istanbul
Les tensions sont très vives entre partisans et opposants du gouvernement. La confrontation entre le camp laïc et le parti au pouvoir, l’AKP (Parti de la justice et du développement), a repris de plus belle. Un an après les manifestations «républicaines», organisées par les partis et organisations kémalistes pour empêcher l’élection à la présidence de la République d’Abdullah Gül, jugé trop «religieux», le même camp laïc semble vouloir en découdre une bonne fois pour toutes avec le gouvernement.
L’AKP risque la fermeture
Le 14 mars, le procureur de la cour de cassation, Abdurrahman Yalçinkaya, a demandé l’ouverture d’un procès, devant la cour constitutionnelle, visant à fermer l’AKP. Le procureur accuse le parti d’être devenu «le foyer d’activités anti-laïques». Il en veut pour preuves, entre autres, la récente modification constitutionnelle autorisant les étudiantes voilées sur les campus universitaires, plusieurs tentatives d’imposer des zones «sans alcool» dans certaines villes du pays et l’annulation d’une campagne d’affichage publicitaire, à Istanbul, montrant des jeunes femmes en bikini. Le parti AKP risque, au pire, la fermeture tandis que 71 de ses membres, dont ses fondateurs, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, le président de la République, Abdullah Gül, et le député Bülent Arinc, pourraient être interdits de politique pendant cinq ans. La décision est entre les mains des 11 juges de la cour de cassation, une institution actuellement dominée par les kémalistes.
Malgré les rumeurs qui circulaient, cette procédure a créé un véritable choc dans le pays. Au sein de l’AKP, on parle d’«injustice» faite à un parti qui a reçu 47% des suffrages lors des élections législatives de juillet dernier, soit le soutien de 16 millions et demi d’électeurs. «Cette action ne vise pas notre parti mais la volonté nationale», a vilipendé le chef de gouvernement, assurant que sa formation sortirait gagnante, dans les urnes, de cette confrontation.
L’AKP garde en effet en ligne de mire les élections municipales de mars 2009. Autre contre-attaque du parti, Recep Erdogan a annoncé vouloir modifier la constitution afin de limiter les possibilités de fermeture des partis politiques. Seules les formations prônant la violence et le racisme pourraient être interdites, laissant l’AKP hors de danger. Le texte pourrait être présenté cette semaine au parlement.
«Nous assistons à une guerre entre l’Etat et la politique», analyse Mehmet Dülger, ancien député de l’AKP, aujourd’hui observateur critique de ce parti. «L’état turc, depuis sa fondation, a toujours eu peur d’être divisé ethniquement et anéanti par la religion. Or aujourd’hui, ces craintes sont à un niveau très avancé. Le style peu conciliant et colérique de Recep Erdogan irrite la bureaucratie.»
Journaliste en garde à vue
Vendredi, après une semaine électrique qui a affaibli les marchés financiers turcs, la tension est encore montée d’un cran avec l’annonce de la garde à vue d’Ilhan Selçuk, journaliste phare du quotidien kémaliste Cumhuriyet, très virulent vis-à-vis de l’AKP. Ilhan Selçuk, 83 ans, a été interpellé à l’aube dans le cadre d’une enquête visant à démanteler un réseau ultranationaliste. Le quotidien y a vu un «acte de vengeance de l’AKP» vis-à-vis du camp laïc. Et si depuis, Ilhan Selçuk a été libéré, les couteaux restent plus que jamais tirés entre partisans et opposants du gouvernement.
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