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Islam européen. Entre le marteau et l’enclume 25 mars 2008

Posted by Acturca in Religion.
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Le Temps (Suisse), 18 mars 2008

Sylvie Arsever

Vingt à trente millions de musulmans vivent sur le sol européen. La plupart sont des citoyens ordinaires. Mais une minorité très visible attise les craintes et donne du grain à moudre aux xénophobes.

Elle est belle, intransigeante, et sans doute un peu menteuse. Il est patelin, insaisissable et obstiné. La Néerlandaise Ayaan Hirsi Ali et le Genevois Hani Ramadan incarnent chacun à sa manière les soubresauts et les contradictions qui ont marqué dix ans de relations entre les pays européens et leur minorité musulmane.

Le second déclenche une tempête en 2002 avec une tribune libre publiée dans Le Monde. Il y justifie la lapidation de la femme adultère et de son complice, et présente le sida comme un châtiment divin. Cela lui coûtera son poste de prof dans l’enseignement public et lui vaudra, après un long bras de fer judiciaire, des dédommagements dépassant, en 2008, le million.

Hani Ramadan a de qui tenir: il est le petit-fils de Hassan el-Banna, fondateur des Frères musulmans. Il est aussi un citoyen suisse qui se réclame des libertés fondamentales pour afficher sans complexes un fondamentalisme moyenâgeux.

Ce visage de l’islam européen n’est pas entièrement nouveau, mais le 11 septembre donne un élan incomparable aux peurs qu’il suscite. Quelle est la part respective, dans le courant qu’il incarne, du message religieux et de l’instrumentalisation politique? La question n’a pas fini de diviser.

Le fondamentalisme tue

Ayaan Hirsi Ali, réfugiée soudanaise devenue députée néerlandaise, porte le fer dans la nature même des croyances musulmanes. Excisée, ayant échappé de justesse à un mariage forcé, elle sait de quoi elle parle. Elle a atteint une gloire planétaire en 2004 après l’assassinat par un fondamentaliste marocain du cinéaste Theo van Gogh, tombé pour avoir réalisé, avec elle, un film dénonçant l’oppression de la femme en islam.

Mais l’icône vacille. Des incohérences sont découvertes dans sa biographie: a-t-elle un peu forcé le trait pour obtenir l’asile? Elle quitte les Pays-Bas pour se muer en exilée de renom au comité de soutien bien fourni. Qu’on le veuille ou non, le politique n’est jamais loin quand on parle d’islam en Europe.

En 2005, ainsi, 12caricatures du prophète Mahomet publiées dans un journal danois mettent le feu au monde musulman. La publication a toutes les apparences d’une provocation. Et pour chauffer à blanc la colère des croyants, on a fait circuler des faux infiniment plus insultants que les dessins originaux, une opération derrière laquelle certains distinguent la main des Frères. En février 2008, un attentat visant un des dessinateurs est déjoué, ce qui amène de nouvelles publications.

A l’assaut des minarets

En Suisse, la crainte de l’islam alimente le fonds de commerce de la droite nationaliste et suscite les offensives les plus inquiétantes comme une initiative, lancée en mai 2007, qui vise à interdire la construction de minarets.

Plus de 20 millions de musulmans vivent en Europe et très peu partagent les convictions de Hani Ramadan ou celles d’Ayaan Hirsi Ali. Pour la grande majorité d’entre eux, la religion est une affaire privée que beaucoup réservent, comme leurs voisins chrétiens, aux fêtes et aux grandes occasions tandis que d’autres en font le lieu de l’affirmation d’une identité nationale menacée de dilution.

Le 10 janvier 2008, 400 associations les représentant ont signé une charte par laquelle elles reconnaissent les droits humains, la séparation de la religion et de l’Etat et condamnent le terrorisme.

Les traditions de ces migrants, du Pakistan à l’Algérie, sont variées, mais leurs caractéristiques socio-économiques se rejoignent: des niveaux d’éducation et de revenu inférieurs à la moyenne et la lourde hypothèque des préjugés et des craintes héritées de la colonisation. Et tous, sans exception, se retrouvent peu ou prou otages des extrémistes qui, des deux côtés, jettent de l’huile sur le feu.

Et les Balkans?

Ces pesanteurs n’épargnent pas entièrement les quelque 7 millions de musulmans des Balkans, qui, peu sensibles par tradition au fondamentalisme sunnite et fortement laïcisés par l’expérience communiste, étaient Européens avant d’embrasser la religion de l’occupant ottoman. Des frappes de l’OTAN sur la Serbie en 1999 aux reconnaissances annoncée par 17 de ses membres de la nouvelle république indépendante du Kosovo, l’Europe leur envoie toutefois un message, certes timide, d’appartenance.

Il en va autrement des 70 millions de musulmans turcs. Invités sur le seuil de l’Europe en 1963, ils reçoivent, à partir de 2002, de nombreux signes de rejet. Les raisons sont politiques, liées à la croissance de l’Union, économiques, mais aussi religieuses.

Ce revirement n’est pas sans danger. Le Parti de la justice et du développement, au pouvoir à Ankara, est issu de la mouvance islamiste avec laquelle il conserve des liens évidents. Au bénéfice de l’alignement du droit turc sur les exigences européennes, il a entamé une opération de démembrement de la laïcité kémaliste dont les conséquences pourraient être d’autant plus redoutables que la Turquie tournerait définitivement le dos à l’Europe pour se replier sur son identité musulmane.

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