Leyla Gencer 14 mai 2008
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Le Monde (France), 14 mai 2008, 21
Renaud Machart
La soprano turque a souffert du statut de légende vivante de sa rivale, Maria Callas. Les témoignages de son art ont le plus souvent été captés sur le vif
Comme il est coutume de dire que la contralto britannique Kathleen Ferrier (1912-1953) occulta l’importance de sa consoeur hollandaise Aafje Heinis, ou que la carrière de la soprano autrichienne Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006) brima celle de Lisa della Casa, il est souvent prétendu que la soprano turque Leyla Gencer, qui vient de mourir, à Milan, samedi 10 mai, à l’âge de 79 ans, a souffert du statut de légende vivante de sa rivale Maria Callas (1923-1977). Comble de malchance pour Gencer, une autre rivale fameuse, Renata Tebaldi (1922-2004), s’interposa entre elle et Callas… Mais si le chant essentiellement apollinien de Tebaldi ne pouvait se comparer par sa nature à celui de Callas, l’engagement dramatique de Gencer le rappelait en bien des points.
A l’époque de ses débuts à la Scala, dans la première mondiale, en italien, des Dialogues des carmélites, de Francis Poulenc, en 1957, Leyla Gencer était souvent affectée aux deuxièmes distributions de l’illustre maison milanaise, tandis que Callas régnait sur les premières. Mais » la Diva turque « , qui avait fait ses débuts à Ankara, en 1950, aura chanté un répertoire plus large (72 rôles), qui, outre le bel canto italien (avec une prédilection pour Donizetti), comprenait des créations et des opéras du XXe siècle ainsi que beaucoup de raretés oubliées de l’opéra italien du XIXe siècle qu’elle servait avec un respect scrupuleux du texte et de ses indications. Gencer partageait avec Callas un caractère trempé et ombrageux et les anecdotes à propos de ses » caprices » ne manquent pas.
En dépit d’une rivalité entretenue surtout par les partisans de la Grecque et de la Turque, Gencer reconnaissait cependant, dans un entretien en anglais transcrit sur le site Internet http://www.belcantosociety.org [http://www.belcantosociety.org] que Callas » avait la voix la plus imparfaite du monde, mais cela ne veut rien dire. Elle était pleine de défauts, mais elle avait le feu sacré. Elle était merveilleuse. Qui l’égale aujourd’hui ? « .
Un chant engagé
Si Callas est aujourd’hui aussi connue que du temps où elle chantait sur scène, c’est notamment en raison d’un legs discographique important. Leyla Gencer a quant à elle peu enregistré en studio, et les témoignages de son art sont le plus souvent captés sur le vif et publiés dans des éditions pirates, en opéras séparés ou en coffrets anthologiques. On trouve beaucoup d’extraits filmés, certains publiés officiellement (par la firme américaine Vai), d’autres reproduits par des particuliers sur des sites Web, dont YouTube.
Le chant de Gencer était extrêmement engagé, et ses incarnations dramatiques allaient parfois à l’encontre de la beauté du son. Elle manquait d’agilité, mais le timbre était superbe et sa musicalité en aura touché plus d’un. Sa qualité première est demeurée un aigu pianissimo dont elle a parfois abusé, surtout lorsque le tonus de la voix lui manquait et que le vibrato la gagnait dans les nuances fortes. La chanteuse reconnaissait d’ailleurs qu’elle avait donné » davantage de mauvaises représentations que de bonnes « .
On l’entend ainsi se produire, à 50 ans, à l’Opéra de San Francisco, avec la voix d’une chanteuse en toute fin de carrière. Mais ce document, reproduit sur le site youtube.com, est, comme tant d’autres, enregistré dans des conditions précaires et donc sujet à caution. Gencer ne se retirera de la scène lyrique qu’en 1985 et ne donnera plus que des concerts, jusqu’en 1992. Ensuite, elle s’est consacrée à l’enseignement, notamment à la Scala de Milan, où elle fut directrice du programme pour les jeunes chanteurs à l’instigation du chef d’orchestre Riccardo Muti.
Après une crémation à Milan, le 12 mai, ses cendres devaient être dispersées dans la baie du Bosphore, dans son pays natal.
10 octobre 1928, Naissance à Istanbul
1953, Débuts italiens à Naples
1957, Débuts à la Scala de Milan : rôle de Madame Lidoine lors de la création mondiale des » Dialogue des Carmélites » de Francis Poulenc
10 mai 2008, Mort à Milan
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