Istanbul ou l’Eldorado du style 28 août 2008
Posted by Acturca in Economy / Economie, Istanbul, Turkey / Turquie.Tags: Fatih, Istanbul, Istiklâl Caddesi, Istinye Park, luxe, mode, Nisantasi, style, Taksim, Turkey / Turquie, voile
trackback
Le Nouvel Observateur (France), 28/08/2008, pp. 20-23
Elodie Lepage
C’est un tronçon de rue minuscule mais un tronçon en or. Cent mètres, à tout casser. Cent mètres sur lesquels s’alignent, comme à la parade, des maisons roses proprettes et des enseignes de luxe: Marc Jacobs, Lanvin, Jimmy Choo, D-Squared, Alberta Ferretti et même Marni, une marque italienne super pointue…
On pourrait se croire à Londres ou à New-York; on est à Istanbul! Et, plus précisément, à Besiktas, ce quartier populaire -comme disent les guides touristiques-, à deux pas du Bosphore. Il est vrai qu’il suffit de dépasser ce tronçon chic pour tomber, dans la même rue, sur la devanture poussiéreuse d’un photographe ou sur un café enfumé dont les clients -que des hommes!- jouent aux cartes. Un contraste qui rappelle à quel point la cité byzantine offre, plus que jamais, deux visages: ville branchée et traditionnelle à la fois, occidentale et orientale, laïque et religieuse.
La rue en témoigne: c’est un patchwork de styles étonnant. Des filles hype côtoient des filles voilées; des filles cool, des filles chic. C’est le cas aussi à Taxim, l’épicentre de cette mégalopole de 12 millions d’habitants. L’après-midi, Istiklâl Caddesi, la principale artère de ce quartier bouillonnant, est noire de monde, et ses magasins bondés. Même si l’uniforme international –jean, T-shirt et baskets– domine chez les (jeunes) passantes, on croise aussi des filles en robe décolletée ou mini-jupe et des filles voilées.
Quand elles n’arpentent pas Istiklâl Caddesi, elles font souvent du shopping dans les centres commerciaux. Un mode de consommation qui fait fureur dans les pays émergents et dont les Stambouliotes raffolent: il y en a 58 dans la ville!
En ville aussi, le luxe s’épanouit. Dans Nisantasi, au Nord-Est de Taxim. Ce quartier résidentiel est le repère des modeuses. Normal que les enseignes haut-de-gamme aient poussé, ici aussi, comme des champignons. Car l’attrait de la marque est tout-puissant en Turquie: ces fashionistas des rives du Bosphore seraient prêtes à casser leur tirelire pour acheter une pièce siglée. Revoilà donc Tod’s, Roberto Cavalli, Longchamp…
Au fur et mesure de leur implantation à Nisantasi, ces griffes ont fini par encercler Beymen et sa jolie terrasse. Fondé en 2003, ce temple du luxe, qui a ouvert un autre magasin à Istinye Park, est une mine d’or. La plus branchée des branchées est sûre d’y trouver son bonheur: plus de trois cents marques des plus pointues sont distribuées par cet équivalent turc du Bon Marché ou de Barney’s.
Un petit tour dans le quartier traditionnel de Fatih relativise aussi cet essor de la branchitude. Là, la plupart des femmes se promènent voilées et enveloppées d’un long manteau beige sans formes. Un tableau guère surprenant pour les Stambouliotes: «Depuis que le parti AKP, de tendance islamiste modéré, est arrivé au pouvoir en 2002, le nombre de femmes voilées a augmenté peu à peu, explique un doctorant de l’université de Galatasaray. Notamment chez les jeunes filles, qui trouvent plus naturel de le porter que les générations précédentes.» Le couple mère tête nue/fille voilée est donc aujourd’hui un classique. C’est le cas de Selva, 17 ans, et de sa maman. La jeune fille a adopté le voile il y a trois ans. «J’ai des copines qui le portent, d’autres, non, résume-t-elle, laconique. Chacun fait ce qu’il veut.» Sa mère ne dit pas autre chose: «Ma fille est libre». Tellement libre qu’elle arbore aussi un top rouge, un pantalon de toile et des Converses. Un mélange qui ne chiffonne personne!
C’est que les jeunes filles voilées ne veulent pas échapper totalement à la folie modeuse qui s’est emparée de leur ville. Chez Armine, une chaîne de magasins de foulards très populaire, on confirme cette impression: «Depuis cet été, nous proposons des modèles qui suivent la mode, explique une vendeuse. Résultat: notre chiffre d’affaires a augmenté de 40% par rapport à l’an passé ! Nos jeunes clientes ne veulent plus des classiques foulards noirs ou beiges. Elles veulent de la couleur, des motifs originaux. Cet été, le modèle qui s’est le plus vendu est jaune. Pour elles, porter le foulard n’est plus incompatible avec le fait d’être dans le coup. Certaines se sont même mises à les collectionner. Moi-même, j’en ai 60!»
De cette effervescence, naît le sentiment d’une ville grisée par sa croissance. Istanbul, et la Turquie avec elle, ne considère plus son entrée dans l’Union européenne comme la condition sine qua non de sa prospérité future. Ni comme le gage de sa modernité. A croire que l’intérêt que lui porte désormais l’industrie du luxe en est un signe suffisant.
Encadré pratique
Y aller
Office du tourisme de la Turquie
102, avenue des Champs-Elysées
75008 Paris
01 45 62 78 68/79 84
www.infosturquie.com
Où dormir
Sirkeci Konak Hotel
Taya Hatun Cad 5
Sirkeci
Hôtel charmant situé dans la vieille ville, dans le quartier de Sultanahmet. A 300 mètres des principaux sites touristiques ( Topkapi, mosquée bleue..) et à 50 mètres du tramway, très pratique pour rejoindre Taxim, le cœur de la ville moderne. 200 euros environ, la chambre double
Anemon Galata
Buyuk Hendek Cad. 11
Sympathique hôtel situé à deux pas de la tour Galata, dans le quartier très animé de Tunnel. Quatre chambres donnent sur le Bosphore et la Corne d’or. 120 euros environ, la chambre double
Se régaler
Markiz Patisserie
Istiklâl Caddesi, 360/362
Une adresse délicieuse, au propre et au figuré, à la limite des quartiers centraux de Taxim et de Tünnel. Pâtisseries orientales à se damner et déco charmante : boiseries et mosaïques carrelées de style Art Nouveau.
Où dîner
360 derece
Istiklâl Caddesi, 309
Kat 6 Beyoglu
Vue superbe sur tout Istanbul depuis ce restaurant panoramique branché dont la déco intérieure évoque les lofts new-yorkais.
Ferye Lokantasi
Ciragan Caddesi, 44
Ortaköy
Magnifique terrasse sur le Bosphore pour ce restaurant classique situé dans une dépendance du palais impérial de Ciragan. Et délicieuse cuisine ottomane.
Nevizade Sk.
Moult restaurants dans cette ruelle la plus animée du quartier de Beyoglu. Ici, le raki coule à flots, de terrasse en terrasse. On vient surtout pour le spectacle !
Où sortir
Club Reina
Mualim Naci Caddesi, 44
Ortaköy
La boîte d’Istanbul, située sur le Bosphore. Une immense piste de danse et six restaurants à ciel ouvert. D’avril à octobre, tous les beautiful people s’y pressent.
Commentaires»
No comments yet — be the first.