Visite historique du président de la République turque en Arménie 4 septembre 2008
Posted by Acturca in Caucasus / Caucase, Turkey / Turquie.Tags: Abdullah Gül, football, Serj Sarksyan, Turkey / Turquie
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Le Figaro (France), 4 septembre 2008, p. 6
Laure Marchand
Abdullah Gül est attendu samedi à Erevan, à l’occasion d’un match de football turco-arménien.
La diplomatie du ballon rond a permis de rapprocher Ankara et Erevan. Invité par Serj Sarksyan, son homologue arménien, le président de la République turque doit se rendre en Arménie samedi. À Erevan, il assistera à un match Turquie-Arménie, comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde de football 2010. C’est la première fois qu’un chef d’État turc effectue un voyage en Arménie. Cette visite historique confirme le réchauffement des relations entre les deux pays, qui n’entretiennent toujours pas de liens diplomatiques directs.
Mercredi soir, Ankara a confirmé officiellement le déplacement de M. Gül, alors qu’une délégation diplomatique, envoyée dans la capitale arménienne, réglait les derniers détails de sa venue. Le président turc, qui sera accompagné par le ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, devrait arriver sur place quelques heures avant le match de football et repartir en Turquie dès le coup de sifflet final. Il s’agit d’un aller-retour éclair à haute teneur symbolique.
« Ce voyage va vraiment détendre l’atmosphère : on tient là une chance de passer de discussions informelles à des négociations formelles, estime Etyen Mahçupyan, le directeur d’ Agos, un journal bilingue en turc et en arménien. Les opinions publiques des deux pays, elles, ont déjà commencé à changer et sont prêtes pour des relations de bon voisinage. » Enthousiastes, plusieurs députés du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) voulaient prendre place dans les tribunes du stade d’Erevan. La direction du parti n’a pas donné son feu vert.
La question du génocide
Ces derniers mois, les signes de rapprochement entre les deux capitales se sont multipliés. Contre toute attente, l’élection à la présidence arménienne, en février, de Serj Sarksyan, ancien chef de l’armée dans la région séparatiste du Haut-Karabakh, a donné le coup d’envoi à la détente. Des rencontres secrètes entre les diplomates des deux pays se sont tenues en mai et en juillet à Berne. Le 23 juillet, Abdullah Gül, partisan de la normalisation, a effectué une première visite emblématique sur le site historique d’Ani, dans l’est de la Turquie : aucun chef d’État turc n’avait jamais visité les vestiges de l’ancienne capitale du royaume arménien, qui datent du XI e siècle.
La persistance de nombreux contentieux bloque cependant le rétablissement officiel des relations entre les deux voisins. « Nous n’exigeons aucune condition préalable pour établir des relations avec la Turquie » , a déclaré le président Sarksyan, dans une interview au quotidien turc Radikal , le 28 août. « La reconnaissance du génocide arménien » n’est pas requise pour reprendre le dialogue, a-t-il précisé. Mais côté turc, ce désaccord historique constitue un obstacle important.
Ankara exige également la reconnaissance du tracé frontalier et le retrait des troupes d’Erevan de l’enclave azerbaïdjanaise du Haut-Karabakh, peuplée majoritairement par des Arméniens. La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan avait conduit Ankara à fermer sa frontière en 1993, par mesure de rétorsion. La Turquie soutient ses « frères » azeris, turcophones.
Deniz Baykal, le dirigeant du principal parti de l’opposition (CHP), a blâmé M. Gül pour cette visite en lui conseillant d’aller regarder le match de football à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. L’extrême droite a dénoncé « une erreur historique » . Mais ce pas vers Erevan est largement salué par les médias et les acteurs de la société civile, comme la Tüsiad, l’organisation patronale. Le président de l’équipe nationale de football, Fatih Terim, a tenté de réconcilier les avis divergents en déclarant : « C’est juste un match de foot, pas une guerre. »
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