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La Turquie, nouveau pivot de la politique internationale ? 19 septembre 2008

Posted by Acturca in Turkey / Turquie.
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L’Humanité (France), 19 septembre 2008, p. 16

Françoise Germain-Robin, Ankara (Turquie), envoyée spéciale

Le gouvernement turc joue les médiateurs dans plusieurs crises régionales, au Caucase comme au Moyen-Orient. Entre Est et Ouest, États-Unis, Union européenne et Russie.

«Autrefois, la Turquie a peut-être créé des problèmes, aujourd’hui, elle apporte des solutions. Personne, en Europe, ne peut penser stratégie en faisant abstraction de la Turquie. Même votre président, M. Sarkozy, est obligé de réviser son discours. » Zeynep Dagi, la jeune femme qui nous reçoit dans son bureau de la Grande Assemblée de Turquie, est une députée du parti au pouvoir, celui du premier ministre Tayyip Erdogan et du président Abdullah Gül. Présidente de la délégation turque à l’Assemblée parlementaire Euro-Med, elle est aussi professeur à l’université d’Ankara et auteur d’ouvrages sur la Russie. Passionnée de relations internationales, elle ne cache pas son enthousiasme face à la politique d’ouverture tous azimuts engagée par l’AKP (1).

« Les étiquettes,les clichés n’ont aucun sens »

« Pour moi, dit-elle, ce n’est pas un parti islamique, c’est avant tout un parti réformiste. Les étiquettes, les clichés n’ont aucun sens. Seuls comptent les faits. L’AKP s’est engagé dans une politique étrangère audacieuse et courageuse. Voyez le voyage historique en Arménie de notre président ; voyez les initiatives de notre premier ministre dans l’affaire géorgienne ; voyez sa médiation entre Israël et la Syrie ou encore entre les États-Unis et l’Iran. Tout cela est utile et va dans le sens d’une stabilisation de cette région dont notre pays est un pivot. Quand j’étais étudiante, cela me faisait sourire d’entendre dire que la Turquie était un pont entre l’Orient et l’Occident. Cela me semblait un cliché. Maintenant, c’est une réalité. »

Et il est vrai que le gouvernement turc se montre, face à la crise du Caucase, à la fois prudent et habile. Bien que la Turquie soit, depuis 1952, un solide pilier de l’OTAN, elle n’a pas appuyé la position va-t-en-guerre de l’administration Bush, estimant que « le retour à la guerre froide serait la pire des choses, tant pour l’Europe que pour la Turquie ». Il faut dire que le pays est aux premières loges : il a une frontière commune avec la Géorgie et abrite plus d’un million de Géorgiens, sans compter les Turcs d’origine géorgienne, les Lazes. La Russie est son premier partenaire économique et son principal fournisseur d’énergie. Aussi le gouvernement Erdogan use-t-il de sa position stratégique pour calmer le jeu et ouvrir des voies de dialogue. Il entend créer une « Plate-forme de coopération et de stabilité dans le Caucase » afin de trouver les moyens, « par le dialogue et le recours aux instruments internationaux de solution des conflits, de rétablir la paix et la stabilité dans la région ».

Une stabilité qui, selon le ministre des Affaires étrangères turc, Ali Babacan, « doit être basée sur l’équilibre entre les États-Unis et la Russie ». Il a répété que la Turquie continuerait de s’en tenir à la convention de Montreux en ce qui concerne les autorisations données aux navires américains de franchir le Bosphore pour se rendre en mer Noire. Un point de friction entre Ankara et Washington, qui veut augmenter le tonnage de ses navires en mer Noire. Il en sera question ces jours-ci dans les réunions de l’OTAN à Bruxelles.

Le gouvernement turc, dans sa volonté de s’affirmer comme un acteur de poids dans la région, à la fois plus indépendant et plus ouvert, rencontre des oppositions : celles du courant nationaliste, représenté par deux partis. L’un d’extrême droite, le MHP, héritier des « Loups gris », l’autre qui fait partie de l’Internationale socialiste – le CHP, le Parti républicain du peuple, créé par Ataturk. Son vice-président, Onur Oymen – ex-ambassadeur auprès de l’OTAN – ne décolère pas : « C’est nous qui avons tout fait pour raccrocher la Turquie à l’Europe, parce que nous partageons ses valeurs laïques et démocratiques mais aujourd’hui nos amis européens ne jurent que par un parti islamiste ! Pourquoi ? Parce que l’AKP est prêt à toutes les concessions pour vous plaire. Il brade nos intérêts nationaux et historiques à Chypre, en Arménie, en Irak, avec les Kurdes. Ils sont prêts à faire des Chypriotes turcs des citoyens de seconde zone. Ils sont prêts à trahir nos amis en Azerbaïdjan pour une réconciliation honteuse avec l’Arménie, un pays qui ne reconnaît même pas nos frontières ! C’est inacceptable. »

politique d’ouverture bien acceptée dans l’opinion

Pas à en juger par les réactions populaires après le voyage historique d’Abdullah Gül à Erevan. La politique d’ouverture est bien acceptée dans l’opinion, plutôt fière de voir le gouvernement améliorer l’image du pays en jouant le rôle du fournisseur de « bons offices ». Un rôle dans lequel il excelle, usant avec pragmatisme de la position géographique du pays et de son appartenance à plusieurs ensembles régionaux, politiques et culturels. Pays laïque, elle est aussi membre de l’OCI, l’Organisation de la conférence islamique. Pays musulman, elle a des relations privilégiées avec Israël, jouant les médiateurs avec le Hezbollah, le Hamas ou avec la Syrie, comme l’a montré cet été la réunion de Damas à laquelle participaient côte à côte MM. Erdogan et Sarkozy. Ce dernier a bien dû reconnaître le rôle « utile » de la Turquie. Ce qui fait dire à Murat Mercan, député AKP qui préside la commission des Affaires étrangères du Parlement turc : « Celui qui porte un chapeau devient plus intelligent ! » En usant au mieux de son jeu multicarte, la Turquie ne désespère pas de se rendre indispensable à cette Europe à laquelle elle est fiancée depuis quarante-cinq ans

(1) Parti de la justice et du développement, vainqueur des élections en 2002 et 2007.

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