La division de Chypre, casse-tête et imbroglio diplomatique 27 septembre 2008
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La Croix (France), 27 septembre 2008
Dossier : Soifs d’indépendance.
Depuis que l’île fait partie de l’Union, sa partition est devenue un problème européen. Il sera peut-être bientôt possible dans l’Hexagone de manger des agrumes venant du nord de Chypre. Le 10 avril, la Commission européenne a en effet modifié sa position vis-à-vis de la « ligne verte », qui coupe en deux cette île de la Méditerranée. Un nouveau règlement prévoit de lever l’ensemble des droits sur les produits agricoles originaires du nord du pays. L’objectif est de faciliter les échanges commerciaux entre la partie sud, où s’exerce la souveraineté de la République de Chypre, membre de l’Union européenne, et la partie nord, occupée depuis 1974 par l’armée turque, et où a été créée une République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue seulement par Ankara (voir la carte p. 4).
L’Union est confrontée à un problème unique à Chypre. Comme elle ne reconnaît pas la RTCN, elle ne reconnaît pas non plus comme frontière internationale la ligne de démarcation, surveillée par des Casques bleus de l’ONU. Mais tenant compte de la réalité du terrain, elle considère cette « ligne verte » comme une limite au marché intérieur européen, la souveraineté de la République de Chypre étant contenue de facto dans la partie sud de l’île.
Cette situation confuse est née d’un pari perdu par l’Union. Au début des années 2000, ses principaux États membres ont pensé que la perspective d’adhésion offerte à la République de Chypre aiderait les deux parties de l’île à s’entendre et à se réunir. Les habitants de la partie nord, à leurs yeux, ne pouvaient que trouver avantage à briser l’embargo auquel ils étaient soumis, et à profiter des programmes communautaires, d’autant que leur situation économique était très médiocre.
Le pari a bien failli être gagnant. Le 24 avril 2004, sept jours avant la date d’entrée de Chypre dans l’Union, les habitants de la partie nord ont approuvé à 64,91 % le plan concocté par Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, qui prévoyait la création d’un partenariat indissoluble entre un État commun et deux États constituants, l’un chypriote grec, l’autre chypriote turc. Mais ce sont les citoyens de la République de Chypre qui ont rejeté le plan, à 75,83 %.
Le 1er mai 2004, de facto, seule la partie sud de l’île est donc rentrée dans l’Union. Pour saluer le vote des Chypriotes turcs, l’Union a toutefois décidé de briser peu à peu leur isolement, mais elle ne peut le faire qu’avec l’accord du gouvernement de Nicosie, qui dispose dorénavant d’un droit de veto sur la politique européenne : les choses avancent donc très lentement.
Elles pourraient s’accélérer grâce à l’élection, le 24 février dernier, d’un nouveau président de la République de Chypre, Dimitris Christofias. Le 3 septembre, celui-ci a en effet entamé des pourparlers directs avec le président de la RTCN, Mehmet Ali Talat, avec le soutien d’un nouvel envoyé spécial de l’ONU, Alexandre Downer, ancien chef de la diplomatie australienne. Depuis, les trois hommes se retrouvent chaque jeudi dans un esprit positif, les deux leaders chypriotes ayant marqué leur profond intérêt pour un accord de paix.
Parmi les questions difficiles à résoudre figurent l’occupation du nord de l’île par au moins 35 000 soldats de l’armée turque et la restitution de terres confisquées, de part et d’autre de l’île, mais surtout dans la partie nord. Au fil des années, la RTCN est devenue une plate-forme pour de nombreux trafics, avec sa quarantaine de casinos, ses banques offshore, ses officines de paris sportifs, autant de moyens pour blanchir de l’argent sale. Et des milliers de villas ont été construites le plus souvent sur des terrains dont des Chypriotes grecs ont été spoliés.
En fait, la clé des négociations se trouve en bonne partie à Ankara, qui est de son côté engagé dans des négociations d’adhésion ardues avec l’Union. Un redoutable imbroglio.
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