Ankara tenté par le nucléaire 3 octobre 2008
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Courrier International (France), 2 octobre 2008, p. 34
Sahin Alpay, Zaman (Istanbul)
Un projet de construction de trois centrales rappelle au pays le prix qu’il a payé lors de la catastrophe de Tchernobyl.
Le gouvernement turc planifie la construction de trois centrales nucléaires. L’une dans la région de Mersin (Méditerranée), l’autre près de Sinop (mer Noire) et la troisième dans un lieu qui n’a pas encore été déterminé. Les réponses – une seule, en réalité, émanant d’une entreprise russe – à l’appel d’offres concernant la construction de la centrale nucléaire de Mersin n’ont pas encore permis de satisfaire les conditions d’octroi du contrat. La société qui sera choisie pourrait obtenir la garantie de vendre de l’électricité à l’Etat pendant au moins quinze ans au prix le plus bas. Réjouissons-nous-en.
Contrairement à ce que certains imaginent, les centrales nucléaires ne sont le symbole ni de la modernité ni de la pureté. Il s’agit vraiment d’une calamité dont nous devons nous prémunir. Mais il y a en Turquie un « lobby nucléaire » très puissant qui compte bien tirer profit de la construction de centrales sur un plan commercial. Ce lobby influence très efficacement la plupart des médias dans ce sens, et il n’y a guère qu’une poignée d’éditorialistes pour tenter de mettre en garde l’opinion contre le danger du nucléaire.Les risques liés à l’énergie nucléaire sont pourtant très élevés. Dans le cas de la catastrophe de Tchernobyl, la radioactivité qui s’est échappée de la centrale a provoqué de nombreux décès et de nombreux cancers. Nos concitoyens, et en particulier ceux qui vivent dans les régions limitrophes de la mer Noire, en savent quelque chose. La gestion du combustible radioactif, pour laquelle aucune véritable solution n’a encore été trouvée, va créer de gros problèmes en Turquie. Les coûts d’investissement en hausse et les frais exigés pour le renouvellement des vieilles centrales font du nucléaire une source d’énergie qui est tout sauf bon marché. Les compagnies d’assurances ne veulent d’ailleurs pas assurer les centrales nucléaires, en raison des risques financiers que cela suppose. « Aucune compagnie d’assurances ne veut assurer une centrale nucléaire. Qu’une compagnie assure une centrale nucléaire, et alors je vous promets que je me mettrai à défendre le nucléaire ! » avait d’ailleurs lancé l’ancien ministre écologiste des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer, lors de sa visite en Turquie, en avril 2008.
Si ces trois centrales nucléaires, dont le coût de fabrication devrait être astronomique, étaient tout de même construites, elles devraient assurer 8 % de la production électrique du pays en 2020 et 20 % en 2030. Or des mesures pour stopper les fuites d’électricité, qui affectent aujourd’hui 22 % du réseau électrique national, ainsi que d’autres favorisant, sans aucun risque, les économies d’électricité permettraient de gagner une énergie supérieure à celle qui sera produite par ces trois centrales. Par ailleurs, la mise en marche de centrales nucléaires en Turquie ne diminuera pas notre dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur. Dans ces conditions, la Turquie doit renoncer à l’aventurisme nucléaire et plutôt faire le choix d’investir dans le domaine de l’énergie durable, qu’elle peut développer grâce aux richesses dont elle dispose : le vent, le soleil, la biomasse, l’énergie géothermique et hydraulique.
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