Bakou l’équilibriste 23 octobre 2008
Posted by Acturca in Caucasus / Caucase, Energy / Energie, EU / UE, Russia / Russie.Tags: Arménie, Azerbaïdjan, BTC, Conflits, EU / UE, Haut-Karabakh, Ilham Aliev, Russia / Russie
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Le Nouvel Economiste (France), 23 octobre 2008, p. 6
Pascal Lorot
Déçu par la frilosité des Occidentaux à son égard, l’Azerbaïdjan pourrait être tenté de se retourner vers Moscou. Avec, dans la bascule, le choix essentiel du tracé du gazoduc.
Sans surprise, Ilham Aliev a été réélu à la tête de l’Azerbaïdjan lors de la présidentielle organisée le 16 octobre 2008. Certes, le score de 89% qu’il a obtenu conduit à douter du caractère véritablement démocratique du scrutin. Comme lors des précédentes élections, l’OSCE et l’Occident ont d’ailleurs dénoncé des irrégularités. De son côté, l’opposition n’a pas véritablement fait campagne, faute de moyens. Il n’en demeure pas moins que celui que certains observateurs surnomment l’ «émir de la Caspienne» demeure profondément populaire – comme l’était son père auquel il a succédé en 2003 – en raison de la quiétude politique et, surtout, de la prospérité économique (la croissance s’y est affichée à quelque 25% en 2007!) que connaît cette petite république turcophone et ex-soviétique, coincée entre Russie, Iran, Géorgie et Arménie.
Sa richesse, l’Azerbaïdjan la doit avant tout à ses ressources énergétiques. Cela n’est pas nouveau. Au début du XXe siècle – l’Azerbaïdjan n’a été intégrée à l’espace soviétique qu’en 1922, Bakou était le coeur pétrolier du monde. Les premières grandes fortunes s’y sont faites comme celle, par exemple, des frères Nobel. Aujourd’hui, la rivalité est réelle entre Occidentaux et Russes pour sécuriser les ressources importantes du pays. L’essentiel de sa production d’or noir (un million de barils/jour) est d’ores et déjà acheminé via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) vers les marchés européens. Reste le gaz qui constitue l’enjeu majeur. Deux itinéraires sont en concurrence: le projet occidental Nabucco qui transite par la Turquie et évite la Russie; le projet South Stream qui fait remonter le gaz azéri par le système de gazoducs russes avant d’emprunter un gazoduc en construction sous la mer Noire.
Jusqu’à présent, la politique azérie consistait à profiter de l’effacement russe pour se rapprocher peu à peu de l’Europe et des Etats- Unis. Le pays est d’ailleurs membre du partenariat pour la paix proposé par l’OTAN et des forces azéries sont présentes tant en Afghanistan qu’en Irak. Avec l’espoir, lointain certes, d’une adhésion à l’Union européenne et, à court terme, d’un soutien de l’Ouest pour recouvrer sa souveraineté sur le Haut-Karabakh, enclave peuplée d’Arméniens ayant fait sécession au début des années 1990 située au coeur de son territoire, qui constitue la priorité de sa diplomatie.
La frilosité de l’engagement occidental en faveur de l’Azerbaïdjan et ses critiques récurrentes sur l’absence de libertés publiques, l’échec des médiations en faveur d’un règlement de la situation au Haut-Karabakh et, surtout, le choc de la guerre éclair russo-géorgienne de l’été 2008 ont rebattu les cartes régionales au profit de Moscou. Alliée traditionnelle de l’Arménie, la Russie possède les clés d’une solution au problème du Haut- Karabakh. Afin de consolider ses positions dans le Caucase Sud, elle pourrait être tentée de favoriser un rapprochement entre Bakou et Erevan. Moyennant deux conditions: le choix de la route russe pour l’exportation du gaz azéri; le soutien de Bakou à l’isolement régional du régime géorgien. Sur ces deux revendications, Bakou n’a pas encore pris formellement position. La nouvelle donne régionale pourrait inciter Ilham Aliev à donner satisfaction prochainement à Moscou, au moins partiellement.
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