La Turquie s’indigne du classement du bore par Bruxelles sur la liste des produits toxiques

Le Monde (France), 3 décembre 2008, p. 4

Guillaume Perrier

Un minerai peu connu, le bore, est à l’origine d’une querelle entre la Turquie et l’Union européenne (UE). Le 6 novembre, la Commission de Bruxelles l’a classé sur sa liste des produits toxiques, imposant ainsi un étiquetage spécifique à tout produit qui en contient. Le gouvernement suédois avait déjà pris une telle mesure dès 2002, estimant le produit dangereux pour la reproduction humaine.  » Je ne pense pas que l’UE ait pris cette décision au hasard, accuse le député du Parti républicain du peuple (CHP, opposition kémaliste) Tacidar Seyhan. Ils veulent détruire le marché du bore.  »

La décision de Bruxelles est perçue comme politique en Turquie, la presse locale y voyant  » un nouvel obstacle sur la route de l’UE « . Le pays détiendrait environ 70 % des réserves mondiales de cette poudre blanchâtre, soit 3 à 4 milliards de tonnes, loin devant les Etats-Unis et la Russie. Il en a extrait, en 2007, 688 000 tonnes, soit plus du tiers de la production mondiale.

Le bore est souvent considéré par la Turquie comme  » le pétrole du XXIe siècle « . Il est utilisé dans les industries aérospatiale et pharmaceutique, dans la fabrication de détergents, de ciment, de verre, de carburants, de produits plastiques ou, sous forme d’acide, dans le textile. L’industrie nucléaire s’y intéresse également de près. Dans les laboratoires, on le teste comme fertilisant, complément alimentaire pour les poulets élevés en batterie ou dans la prévention du cancer du sein.

Selon Orhan Yilmaz, directeur général d’Eti Maden, l’entreprise publique qui détient le monopole de l’exploitation du minerai dans le pays, les exportations turques de bore s’élèvent à environ 320 millions d’euros par an, en hausse de 36 % en 2008, et pourraient atteindre 800 millions en 2012.

 » Nous allons nous battre contre cette décision en présentant des arguments scientifiques et techniques, afin de permettre à notre pays de profiter de cette richesse naturelle « , a déclaré, le 20 novembre, le ministre turc de l’énergie, Hilmi Güler, lors de l’inauguration d’une nouvelle usine de transformation du bore, dans la région de la mer de Marmara. Le gouvernement a également annoncé qu’il allait déposer une réclamation auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  » Le combat de la Turquie pour défendre le bore sera couronné de succès « , a promis M. Güler.