Otan : l’affaire turque 6 avril 2009
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Libération (France), 6 avril 2009, p. 4
Jean Quatremer
La Turquie a finalement levé son veto, samedi après-midi, sur la nomination du Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, au poste de secrétaire général de l’Otan pour succéder, le 1er août, au Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer. Ankara voulait faire payer au Danois son refus de condamner la publication, en 2005, des caricatures de Mahomet, qui avait enflammé une partie du monde musulman, et d’interdire une chaîne de télévision kurde, Roj, basée dans son pays et considérée comme une vitrine des rebelles séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Contradiction
Une bonne partie du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui a eu lieu vendredi soir et samedi, a été consacrée à résoudre cette crise, au grand agacement des autres pays de l’Otan, qui n’ont pas apprécié que la célébration du soixantième anniversaire de l’Alliance atlantique soit ainsi gâchée. Au final, la Turquie a cédé, en échange de compensations.Mais l’affaire était embarrassante : non seulement, pour la première fois, un membre de l’Alliance atlantique menaçait de son veto la nomination du secrétaire général, mais en plus il s’agissait d’un pays musulman, qui le fait pour des raisons religieuses qui sont en totale contradiction avec toutes les valeurs prônées par l’Otan. « Ankara se tire une balle dans le pied », s’étonne un diplomate européen. D’ailleurs, samedi matin, le commissaire européen à l’Elargissement, le Finlandais Olli Rehn, a dit ce que pensaient tous ses partenaires, même les plus favorables à sa candidature, comme la Grande-Bretagne : « Cela n’augure rien de bon d’un point de vue européen, car la liberté d’expression est une valeur tellement fondamentale, au moment où la Turquie aspire à devenir membre de l’Union européenne. » Autant dire que l’affaire risque de compromettre un peu plus les négociations d’adhésion de ce pays.
Ankara, se rendant compte qu’il avait été trop loin, a dû se résoudre à négocier. En échange de la nomination de Rasmussen, la Turquie a obtenu le secrétariat général adjoint, poste qui lui échappe depuis 1974, date à laquelle elle a envahi le nord de Chypre, ainsi que trois postes de généraux et celui du représentant de l’Otan en Afghanistan. Rasmussen s’est aussi engagé à transmettre à la justice danoise les accusations « d’incitation au terrorisme » que la Turquie porte contre la télévision kurde du Danemark. Il a aussi promis d’établir une relation spéciale avec le monde musulman et l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Enfin, cerise sur le gâteau, Obama a accepté de se porter « garant » de l’accord, selon Ankara.
Colifichets
« La Turquie a perdu, analyse un diplomate de l’Otan. Erdogan [le Premier ministre turc] a dû accepter Rasmussen en échange de colifichets. Surtout, il a montré son vrai visage : Rasmussen n’avait ni le pouvoir légal d’empêcher la parution des caricatures, ni celui d’interdire la télévision kurde. Cela va refroidir l’ardeur des défenseurs de l’adhésion de ce pays à l’Union. » A l’Elysée, on ne cachait pas sa joie face à une telle erreur de manœuvre.
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