Le chiffon turc est de retour

Libération (France), 7 avril 2009, p. 12

Antoine Guiral

Le Pen accuse le chef de l’Etat de mentir sur l’adhésion d’Ankara.

Ça n’a pas tardé. Jean-Marie Le Pen a accusé hier Nicolas Sarkozy de « mentir » à propos de la Turquie lorsqu’il affirme ne pas vouloir son entrée dans l’UE. La veille, sur TF1, le chef de l’Etat s’était pourtant empressé d’opposer une fin de non-recevoir à Barack Obama réclamant aux dirigeants européens de considérer avec bienveillance la demande d’adhésion d’Ankara.

Le Pen et Sarkozy ont en commun d’avoir tous deux agité le chiffon turc et d’en apprécier la puissance électorale. Pour le leader d’extrême droite, c’est une marotte aux relents islamophobes utilisée lors de chaque scrutin européen. Alors président de l’UMP, Sarkozy en a, lui, usé avec ruse pour mettre en échec Jacques Chirac lors du référendum de 2005 sur les institutions européennes. Fin 2004, il avait fait de la Turquie le nœud central de son opposition au président d’alors. Un colloque avait même été organisé sur ce thème par l’UMP où des grognards de la Chiraquie, comme Jacques Toubon, étaient venus publiquement s’opposer au chef de l’Etat. Bilan de l’opération : un électorat et des forces militantes UMP coupées à jamais de Chirac. Avec en prime, l’écrasante victoire du non en mai 2005, qui sonna le tocsin des années Chirac.

D’où l’urgence pour Sarkozy de se précipiter à la télévision dimanche pour clamer la persistance de son opposition à l’adhésion turque… Et la réplique de Le Pen accusant le Président de mensonge au motif qu’il cautionne en réalité la poursuite des négociations avec Ankara.