Quand les derviches relisent leur rituel 30 mai 2009
Posted by Acturca in Art-Culture, History / Histoire, Religion, Turkey / Turquie.Tags: Autriche, confrérie, derviches tourneurs, dhikr, History / Histoire, Konya, Maroc, Mevlânâ, Mevlevi, soufi, Turkey / Turquie, Ziya Azazi
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Le Figaro (France), 30 mai 2009, p. 30
Une confrérie turque traditionnelle du XIIIe siècle et une troupe contemporaine se succéderont, demain soir, sur la scène principale de Bab al-Makina.
En tournant sur eux-mêmes, ils pointent l’index en l’air. Une manière de se connecter à l’infini, ou plutôt au Grand Tout car les derviches sont des gens très croyants. En 2003, le festival avait fait découvrir au Maroc l’ensemble Al-Kindi du cheikh Habboush, qui venait d’Alep, en Syrie. L’année suivante, c’était au tour de la grande confrérie de Konya en Turquie. Elle revient demain soir (à 20 h 30 sur la scène de Bab al-Makina) pour donner un aperçu de toute la sagesse et de toute l’extase dont elle est capable.
Dès le dépliage des lourdes et longues robes rondes puis l’habillage des participants, la gestuelle de la confrérie des Mevlevi de Konya est codée. Des siècles d’un rituel immuable se lisent dans les attitudes et les visages. Konya, ancienne capitale impériale des Seldjoukides, aurait été la première ville rebâtie après le déluge. Elle abrite le sanctuaire de Mevlânâ, sage soufi dont les derviches entretiennent le souvenir, perpétuant son enseignement mystique fait de poèmes et de pensées héritées de Djalaleddine Rumi, au XIII e siècle. Les Mevlevis demeurent actifs alors même que l’État turc a interdit les confréries depuis 1925.
Leur cérémonial inclut les chants et le jeu d’instruments de musique, au nombre desquels le ney – flûte de roseau – et le daf – tambour sur cadre. Mais c’est surtout la danse qui frappe les esprits. La giration spectaculaire n’a pas pour but d’étourdir mais au contraire d’illuminer. Si vertige il y a, c’est qu’il est un moyen d’accéder à la communion physique avec Dieu. Lors du tournoiement, les voix rythment de plus en plus vite l’ascension. Les poitrines halètent, c’est le dhikr (le rituel de transe), commun à tout le soufisme.
Ronde des planètes
D’où vient cette giration des derviches, malheureusement aujourd’hui largement galvaudée dans des spectacles pour hôtels à touristes un peu partout au Moyen-Orient et en Turquie ? La légende raconte qu’un jour Mevlânâ se promenait dans un bazar de Konya. Il entendit des bijoutiers ciseler l’or. Les coups répétés et réguliers des marteaux l’hypnotisèrent et il se mit à tourner sur lui-même. Son fils perpétua en le codifiant ce moment rare d’union à la ronde des planètes tournant autour du soleil, symbole du rayonnement divin.
Comment se portent les héritiers de Mevlânâ aujourd’hui ? Très bien. Non seulement ils ont su préserver leur patrimoine mais en plus ils le font vivre. Notamment en acceptant de nouvelles lectures. On pourra le constater en seconde partie de soirée avec le spectacle Icons , une création de danse contemporaine créée par Ziya Azazi. Sur la trompette et le musique électronique de Serge Adam, Su Günes Mihladiz traduira en espace un hommage au rituel.
Né à Antalya, en Turquie, Ziya Azazi fait ses débuts de chorégraphe au Théâtre d’État d’Istanbul, avant de partir s’installer à Vienne (Autriche), où il décroche en 1999 le titre de danseur de l’année, pour un solo remarqué dans une de ses créations : Unterwegs Tabula Rasa . Il danse avec des troupes et institutions telles que le Vienna Volksoper, le Theaterhaus de Stuttgart, le Grand Théâtre de Genève et aussi avec le célèbre homme de théâtre flamand Jan Fabre.
Depuis 1999, Ziya Azazi travaille également les danses traditionnelles soufies et a créé de nombreuses chorégraphies et solos autour de cette thématique des derviches tourneurs tels que Work in Progress I & II , Dervish , présentés sur diverses scènes mondiales. Icons a été donné en première mondiale, en novembre 2007, à Grenoble, lors du festival 38 es Rugissants.
Désormais, les robes ont pris des couleurs, les manteaux s’envolent, montent et descendent le long du corps, le tournoiement sert de mise en apesanteur des étoffes plombées. Elles forment de belles ailes d’anges, de hautes soucoupes ou de rapides manèges ondulants. C’est beau, spectaculaire mais aussi aérien et respectueux du sens ancien.
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