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La Turquie, fantôme de l’UE 2 juin 2009

Posted by Acturca in EU / UE, France, Turkey-EU / Turquie-UE.
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Le Temps (Suisse), 2 juin 2009

Richard Werly, Bruxelles

L’un des rares sujets à mobiliser – pour ou contre – les électeurs a été diversement utilisé durant la campagne pour les Européennes. Preuve du malaise persistant au sein de l’UE.

Barack Obama avait pourtant mis les pieds dans le plat. Au début avril à Istanbul, sitôt achevé le sommet de l’OTAN à Strasbourg avec ses alliés européens, le président américain avait réitéré sans ambages son soutien à l’entrée de la Turquie dans l’UE. Un discours clair, en lieu et place des habituelles circonvolutions entendues à Bruxelles, masquées derrière un chapelet d’échéances «techniques» comme l’ouverture, la fermeture ou la suspension des fameux «chapitres de négociation». A deux mois des élections européennes, l’hôte de la Maison-Blanche avait rappelé l’UE à l’évidence: faire attendre son grand voisin oriental indéfiniment n’est ni diplomatiquement correct, ni politiquement viable.

La campagne en vue du scrutin des 4 et 7 juin a toutefois, depuis lors, reflété l’attitude des gouvernements des Vingt-sept. La perche Américaine n’a pas été saisie. Pas question d’aborder le sujet sur le fond. Plutôt que d’être assumé par les candidats au parlement de Strasbourg, le débat sur la Turquie est resté, dans la plupart des pays membres, soit caché sous le tapis des arrangements électoraux, soit brandi tel un épouvantail par les «anti».

L’exemple de l’Allemagne est saillant. La CDU d’Angela Merkel, bien qu’hostile à l’entrée de la Turquie dans l’UE – comme l’a d’ailleurs répété publiquement au Spiegel le président Chrétien-démocrate sortant de l’Europarlement Hans-Gert Pöttering – a préféré s’abstenir de réitérer sa position pour éviter de braquer les quelque 700’000 électeurs d’origine turque. Les soutiens traditionnels à l’élargissement, comme les Verts (dont le leader à Strasbourg, Cem Ozdemir, est d’origine turque) ont pour leur part évité d’en rajouter, par peur du syndrome inverse. La Turquie est restée ce fantôme planant au-dessus de l’UE.

Idem en France. Nicolas Sarkozy a pourtant toujours affiché son opposition à l’entrée de la Turquie qu’il considère comme un pays «d’Asie mineure». Mais l’UMP, son parti, s’est gardé de trop en faire. Un article récent du Monde nous apprenait d’ailleurs ces jours-ci que le président français a préféré retarder une visite prévue en Suède pour ne pas heurter, à Stockholm, la sensibilité pro turque de la prochaine présidence de l’UE, qui démarrera le 1er juillet. Alors qu’à la fin juin, la confirmation du soutien de la Turquie au projet européen de gazoduc Nabucco – destiné à acheminer vers l’Europe le gaz de la mer Caspienne sans passer par la Russie – déterminera une bonne partie de l’avenir énergétique de l’UE, la question a juste plané sur la campagne hexagonale. Et pour cause: le sujet divise à peu près dans chaque camp.

Restent les acharnés de la question turque. Ceux qui, bien sûr, sautent à pieds joints sur le sujet pour raviver le camp xénophobe ou sortir de l’oubli populiste. C’est le cas, en Autriche, du parti de la Liberté du défunt Jörg Haider. C’est aussi le leitmotiv, en Bulgarie (où vit une importante minorité turcophone), de la formation d’extrême droite Attaka. Partout à travers l’UE, la Turquie sert de défouloir aux marges du débat politique. Mais de vrai débat, point. Comme si la décision d’ouvrir les portes à Ankara n’était plus, aujourd’hui, soutenue par personne, sauf quelques technocrates chargés d’instruire le dossier à Bruxelles. Comme si le «mauvais rêve» turc allait se dissiper de lui-même.

Dommage. Car c’est à force de campagnes pareilles, promptes à esquiver l’un des vrais défis pour l’avenir de l’Union, que se nourrissent l’abstention et le sentiment que les gouvernements ne prisent guère la transparence. Oui dommage. D’autant plus que le jour venu – s’il vient – les électeurs devront se prononcer par référendum dans de nombreux pays membres de l’UE.

La campagne pour ces Européennes 2009, cinq ans après l’élargissement de l’Union aux dix nouveaux pays d’Europe centrale et orientale (suivis de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007), aurait pu déboucher sur de grands débats publics, destinés à interpeller les Etats-membres et la Commission. Elle aurait pu être l’occasion de reparler des notions de frontière et de citoyenneté européenne si décisives pour l’avenir de l’Union. La question de l’Islam et des valeurs chrétiennes de l’Europe, toujours sous-jacente, aurait été mise sur la table, donnant aux citoyens l’impression que leurs préoccupations et leurs valeurs sont prises en compte. Mais rien de tout cela n’a eu lieu. Les Turcs, que l’on cantonne dans une voie de garage en forme d’impasse, semblent – comme ces fantômes des maisons hantées – condamnés à faire seulement, dans l’Union, des «apparitions».

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