On ne dira plus «fumer comme un Turc» 20 juillet 2009
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24 Heures (Suisse), 20 juillet 2009, p. 7
Gabrielle Danzas, Istanbul
Attablées dans une taverne de Beyoglu, le quartier où la jeunesse stambouliote se donne rendez-vous le week-end, Ece et Damla ont déjà bien entamé la bouteille de raki, un alcool à base de raisins, et font un sort à leur paquet de cigarettes. «Nous savourons notre dernière soirée de liberté», rigolent les deux copines dans un nuage de fumée. La scène se déroulait samedi soir et appartient désormais au passé. L’interdiction de fumer dans les restaurants, cafés et autres lieux publics est entrée en vigueur hier dans tout le pays.
Un parti très rigide
La Turquie s’est dotée d’une législation très restrictive: seuls les endroits entièrement en plein air échappent à la nouvelle réglementation. Se griller une clope en terrasse à l’ombre d’un parasol est donc prohibé. Même régime sous les treilles de vigne des jardins à thé.
En passant, à quelques exceptions près, en zone entièrement non-fumeurs, la Turquie s’aligne sur les standards européens les plus avancés en la matière, comme ceux en vigueur en France ou en Italie. La culture islamique du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir explique également cette stricte politique de santé publique. La cigarette n’y a pas bonne presse, au même titre que l’alcool. Le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, en a fait une croisade personnelle. Il ne tolère pas de tabac pendant les réunions. Aucun de ses ministres n’est accroc à la nicotine. Pour donner l’exemple, le chef du gouvernement a récemment décroché son téléphone pour sermonner un maire de son parti qui asphyxiait en permanence ses collaborateurs.
Quatre mille inspecteurs, rattachés au Ministère de la santé, ont été formés et seront chargés de faire respecter la loi dans tout le pays. Les clients pris en faute s’exposent à une amende équivalente à 48 francs, les propriétaires d’établissements laxistes devront régler un montant de 350 francs, pouvant atteindre 3500 francs en cas de récidive. Des numéros de téléphone spéciaux sont mêmes prévus pour dénoncer les récalcitrants.
Véritable fléau
Plus largement, des campagnes de prévention nationales ont été lancées. Les spots télévisés se succèdent, des banderoles, montrant des enfants soufflant dans des bulles de savon avec le slogan «un Istanbul sans fumée», ont été accrochées à tous les carrefours de la mégapole. Et le prix du paquet de cigarettes a encore augmenté de 10% au début du mois de juillet.
Car la consommation de cigarettes est un véritable fléau en Turquie: 60% des hommes et 20% des femmes fument, les jeunes allument leur première cibiche en moyenne à 12 ans. Chaque année, 120 000 personnes meurent à cause du tabac. L’interdiction de fumer dans les lieux publics constitue donc une véritable révolution culturelle. Mais selon un sondage, 90% des personnes interrogées y sont favorables. Dans son restaurant, le Ney’le Mey’le, Davut Cokgörmez a installé sans attendre une pancarte rutilante avec une cigarette barrée. «Mes clients s’y feront, je ne m’inquiète pas», déclare ce patron à la voix éraillée. Il a arrêté de fumer il y a huit mois: «Croyez-moi, sans cigarette, le raki n’en est que meilleur. »
Depuis hier, cigarettes et narguilés sont interdits dans les cafés et restaurants. Non sans polémiques.
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