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« Eroğlu va faire semblant de négocier avec le président de la République de Chypre » 20 avril 2010

Posted by Acturca in EU / UE, South East Europe / Europe du Sud-Est, Turkey-EU / Turquie-UE.
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EurActiv.fr, 20 avril 2010

Marek Kubista

Gilles Bertrand, enseignant-chercheur à Sciences Po Bordeaux, revient sur les conséquences de l’élection d’un nationaliste à Chypre nord.

Le candidat nationaliste Derviş Eroğlu a gagné l’élection présidentielle de la République turque de Chypre nord. Quelles sont les conséquences de ce résultat pour le processus de négociations avec la République de Chypre ?

Les conséquences sont tout à fait dramatiques puisque Derviş Eroğlu est un nationaliste historique qui dirige le Parti de l’Unité nationale, c’est-à-dire le parti de l’unité avec la Turquie, fondé par le dirigeant nationaliste historique, Rauf Denktash. Son passé, sa formation et son idéologie ne l’invitent donc pas à un compromis avec les Chypriotes grecs.

Lors de la campagne électorale, il a dit qu’il reprendrait les négociations. Il souhaite en fait que les Chypriotes grecs reconnaissent la souveraineté de la République turque de Chypre nord pour obtenir la reconnaissance internationale.

Soit il se fait des illusions, soit il essaie de tromper les électeurs car jamais les dirigeants grecs de Chypre n’accepteront la reconnaissance de la République turque de Chypre nord.

Dès lors, sur quelle base peuvent reprendre les négociations ?

M. Eroğlu va faire semblant (avec le soutien de l’armée turque) de négocier avec le président de la République de Chypre Demetris Christofias. Si M. Eroğlu faisait capoter les négociations, cela pourrait arranger M. Christofias, dont la coalition est en difficulté car ses alliés étaient déjà très réticents vis-à-vis des revendications de M. Talat, le président chypriote turc sortant. Le parti socialiste a quitté la coalition en février. M. Christofias pourrait peut-être terminer son mandat sans voir sa coalition s’effondrer.

Le seul espoir qui reste pour arriver à un compromis réside dans la capacité des dirigeants turcs à obliger M. Eroğlu à trouver un accord. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, a déclaré que personne ne devait entraver le processus de négociations avec les Chypriotes grecs.

Mais, on est en réalité dans une partie à trois acteurs : le gouvernement turc, l’armée turque et M. Eroğlu. Et il est manifeste que M. Eroğlu sera soutenu par l’armée turque. Nous entrons donc dans une nouvelle épreuve de force entre ces trois acteurs. Le courage politique de M. Erdoğan et sa capacité à obliger les militaires à prendre en compte autre chose (c’est-à-dire notamment les négociations avec l’Union européenne) que l’idéologie nationaliste seront une nouvelle fois mis à l’épreuve.

Quels seront les moyens de pression à disposition de M. Erdoğan contre M. Eroğlu?

C’est bien le problème. Il y a l’aide financière de la Turquie, mais on ne peut pas savoir combien est exactement versé. A une époque, on parlait de 400 millions de dollars. Quant à l’armée, elle appuie les revendications de M. Eroğlu. Or, elle a 40 000 soldats sur place et son commandant à Chypre nord a autorité sur la police, ce qui signifie qu’il est quasiment un vice-président. M. Erdoğan aura donc fort à faire pour les convaincre qu’il faut, dans l’intérêt de la Turquie, trouver un terrain d’entente. D’autant plus que la période n’est pas bonne.

Pour quelle raison ?

Certains dirigeants de l’UE, notamment Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont des positions beaucoup trop tranchées vis-à-vis de la Turquie. Et leur fin de non recevoir définitive vis-à-vis de la candidature turque ouvre un boulevard aux éléments les plus nationalistes de l’armée et de la classe politique.

Quelles sont les conséquences de la victoire de M. Eroğlu sur les relations Turquie/UE ?

Aucune, car M. Sarkozy et Mme Merkel ont déjà dit qu’ils ne voulaient pas de la Turquie dans l’UE. Les négociations vont officiellement échouer après la rencontre entre les deux dirigeants de Chypre ce qui donnera un motif de plus aux dirigeants français et allemande de refuser la Turquie dans l’UE.

Que peut faire l’UE pour résoudre le problème chypriote ?

L’UE n’a pas joué le rôle qu’elle aurait dû, lors des négociations du plan Annan. Elle avait pourtant un vrai moyen de pression sur les Chypriotes grecs, à savoir l’adhésion à l’Union. Sur la Turquie, l’UE a un moyen de pression qu’elle ne peut utiliser car, d’une certaine manière, elle affirme déjà ne pas vouloir de la Turquie. Il n’y a donc pas de réel moyen de pression sur les Chypriotes turcs.

L’UE devrait déjà regarder ce qui se passe en détail à Chypre. Si on fait une analyse approfondie de l’état des forces, il y a de quoi être moins pessimiste. Côté chypriote grec, les électeurs ont voté en faveur du candidat de la paix et de la réconciliation en élisant Demetris Christofias en 2008.

Du côté de la zone nord, l’électorat de M. Eroğlu est surtout constitué de citoyens turcs établis (ou « colons »), à la différence du président sortant, M. Talat dont la base électorale est davantage composée de Chypriotes turcs, lesquels ont encore voté pour lui lors de cette élection présidentielle.

Il n’est donc pas possible de dire avec certitude que les Chypriotes grecs et turcs veulent la partition. C’est donc plus la classe politique que la population qui bloque le processus.

L’UE devrait dès lors mobiliser les acteurs non politiques et non étatiques et exercer une forte pression sur les dirigeants. Mais pour cela, il faudrait commencer par se pencher sur le dossier plutôt que d’avoir une vision ancrée sur le présupposé que les électeurs partagent forcément la même vision que les élus.

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