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Fazil Say, le plus que pianiste 8 décembre 2010

Posted by Acturca in Art-Culture, Turkey / Turquie.
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Le Temps (Suisse), 8 décembre 2010

Jonas Pulver

Le soliste turc jouait lundi au Victoria Hall de Genève. Prestation inégale pour un artiste qui peine à se soumettre au rôle de l’interprète

Fazil Say remonte ses manches. Il jette des doigts longs et plats sur le clavier, bouche ouverte, regard diagonal. Au faîte de l’arpège, son bis invoque Gersh­win, comme une réminiscence impromptue du Summertime. Comme si Glenn Gould jouait jazz façon Erroll Garner, comme si Messiaen et Scriabine tapaient la note bleue, mains dessus mains dessous. Fazil Say malaxe les sons et change de rive à chaque phrase. Alterne sans cesse les paliers dynamiques. Fait hurler les graves. Chuchoter les aigus.

Lundi au Victoria Hall de Genève, le public laissait claquer son admiration. Le Turc, en tournée avec l’Orchestre de chambre de Stuttgart, est rarement meilleur que dans ces espaces de liberté improvisée. Il s’invente sculpteur de l’instant, déborde sa fonction de simple interprète. Soliste classique, jazzman et compositeur – il s’adonne volontiers à ses propres pages –, Fazil Say se veut par définition plus que pianiste.

On l’aime pour cette propension à sortir de soi, même si le répertoire ne le permet pas toujours. Et parfois le musicien outrepasse la frontière qui sépare fulgurance du moment et argumentaire hors de propos. Dans le Concerto pour clavier en ré mineur de Bach qui nourrit la première partie, Fazil Say mène un entretien serré avec le maître de Leipzig. Il gonfle les traits, les pousse vers l’emphase au lieu de leur fournir l’assise nécessaire. Quoiqu’un peu savonnés, les deux mouvements rapides supportent le choc; le mouvement lent, par contre, confine au ridicule. Le pianiste y rompt constamment la ligne, hoquette, joue sur les notes comme on joue sur les mots. On entend Jean-Sébastien Bach autant que Fazil Say. Mais ils parlent en même temps au lieu de se céder la parole.

Le Concerto N°1 pour piano et trompette de Chostakovitch est davantage taillé à la démesure expressive du soliste. Il y a là des effets de rupture sur lesquels s’acharner, une nervosité d’écriture dans laquelle se refléter, bref, un certain jusqu’au-boutisme qui sied bien au tempérament de Fazil Say, jusqu’au délire de l’apothéose finale.

Ancien directeur de l’Orchestre de chambre de Genève, le chef Michael Hofstetter cultive un geste tout en équilibre. A la limite de la légèreté dans Chostakovitch, il confère une bonne carrure au Concerto de Bach. Quant à la Sérénade N°13 «Une petite musique de nuit» de Mozart, elle confirme un goût sûr et racé, peu enclin à l’audace. Au fond tout l’inverse d’un Fazil Say – on ne peut pas tout avoir.

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