La Turquie, un pont vers l’avenir ? 26 février 2011
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La Voix du Nord (France), Samedi, 26 février 2011, p. 32
par Matthieu Verrier
Exercice de câlinothérapie : le président français vexe la Turquie en lui consacrant une étape de six heures, dans le cadre de la présidence du G20, et non une visite officielle de chef d’État. Comment rassurer Ankara ? 1. Souligner l’importance du geste : depuis dix-neuf ans, aucun président français ne s’était rendu en Turquie. 2. Flatter l’hôte, en rappelant qu’après s’être rendu chez les géants américain et chinois, il était naturel de rencontrer les non moins importants Turcs. 3. Promettre une visite officielle prochaine à Istanbul. Nicolas Sarkozy s’est plié à l’exercice hier à Ankara, lors d’une conférence de presse avec son homologue Abdullah Gül. Et de rappeler que la Turquie est « un pont entre les deux mondes ».
Ce pont existe depuis des décennies, mais l’Europe, et la France en particulier, ne cessent d’affaiblir le pilier qui repose sur la rive occidentale du Bosphore. Au fur et à mesure que le pays progresse dans son rapprochement avec l’Union européenne, de nouveaux obstacles sont érigés. Sans pour autant qu’une fin de non-recevoir ne soit adressée.
À l’aube d’une ère que tout le monde espère démocratique dans le monde arabe, la Turquie peut constituer un modèle. Avec une certaine laïcité, le régime fondé par Mustafa Kemal Atatürk a réussi à construire un État moderne dans une société musulmane. Les islamistes de l’AKP inspiraient la peur avant leur accession au pouvoir, en 2002. Ils ont montré depuis que le conservatisme religieux pouvait s’accommoder de la démocratie. L’espoir est parfois formulé qu’une pareille formation émerge en Tunisie pour que du chaos ne sortent pas les radicaux. Certes, la Turquie n’est pas arabe. Son histoire et sa culture la distinguent des pays d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, mais son développement peut inspirer des démocraties naissantes. L’Europe connaît ces atouts. La peur, peut-être, que le pont communique dans les deux sens l’empêche de donner toute sa place à la Turquie. Des migrations en viendraient et des emplois s’y délocaliseraient.
Les craintes paralysent les relations. L’Union pour la Méditerranée s’était choisi Hosni Moubarak comme coprésident. Un signal fort doit être désormais envoyé aux peuples qui veulent prendre en main leur avenir. Un signal sans ingérence ni leçon péremptoire. La Turquie est un maillon entre deux cultures. Elle peut être un modèle à suivre, à corriger ou à amender. L’Europe a une carte à jouer. De profonds signes de confiance à l’égard d’un État en constante marche vers les droits de l’homme seraient perçus au-delà de la Turquie. Le « pont » véhicule aussi les marques d’estime d’un monde à l’autre. Les prétendants à la démocratie ont besoin plus de reconnaissance et d’accompagnement que de câlins.
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