Et si la Tunisie entrait dans l’Union européenne ? 30 mars 2011
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Libération (France) Rebonds, mercredi, 30 mars 2011, p. 19
Par Pierre Beckouche, Ali Bennasr, Mohamed Haddar Universitaires français et tunisiens et Jean-Yves Moisseron Institut de recherche pour le développement
Le mot-clé des événements en cours en Tunisie est «transition», exactement comme d’autres pays de la grande région européenne en ont connu : Grèce, Portugal, Espagne, pays de l’Est. En ce sens, la Tunisie pourrait devenir un candidat potentiel à l’adhésion : les critères de Copenhague ne sont plus hors de portée; au regard de la géographie économique, la Tunisie est un pays plus européen que bien des pays de l’UE puisqu’elle fait les trois quarts de ses échanges commerciaux avec l’Europe; elle partage avec les pays européens un grand nombre de fondements historiques, de traditions culturelles, de normes et d’hommes (diaspora, multiplication des modes de vie associant les deux rives).
La Tunisie offre une opportunité exceptionnelle pour l’UE : c’est un pays petit, aux écarts géographiques de richesse limités (rien à voir avec la partie orientale de la Turquie, dont l’extrême pauvreté nécessitera d’importants fonds structurels si la Turquie entre dans l’UE); le PIB par habitant est du même ordre de grandeur que celui de la Turquie. Sa stabilisation macroéconomique était avérée jusqu’en décembre, signe que la Tunisie avait su tirer parti des contraintes positives contenues dans l’Accord d’association avec l’UE; cela laisse penser que la perspective d’une adhésion accélérera les réformes, comme ce qui se passe en Turquie. Enfin la cohésion nationale reste forte, le niveau de qualification moyen est élevé et étendu à une large classe moyenne.
Pour l’UE, la Tunisie pourrait être le laboratoire d’une première adhésion d’un pays arabe. Cela démontrerait qu’il n’y a aucun ostracisme à l’égard des pays du Sud et/ou musulmans; que de nouvelles relations Nord-Sud sont possibles à l’échelle régionale, et d’une manière mieux régulée que dans les autres grandes «régions Nord-Sud», l’Alena et l’Asie orientale; cela stimulerait la transition des autres pays arabes, et freinerait les appétits des Etats-Unis ou des puissances asiatiques sur le Maghreb.
Les avantages pour la Tunisie seraient tout aussi importants : dans une mondialisation hyperconcurrentielle, cela ancrerait son destin au pôle européen; elle pourrait mieux négocier avec l’UE de politiques communes (et pas seulement le libre-échange); elle bénéficierait de la mobilité des personnes (au lieu des «migrations»). Elle pourrait compter sur les moyens financiers nécessaires pour mener sa transition à son terme, car seule la candidature entraîne des concours européens significatifs. Actuellement, les pays arabes du pourtour méditerranéen (hors Palestine) reçoivent 11 euros par habitant et par an (subventions et prêts). La Turquie quatre fois plus. Les pays candidats issus de l’ex-Yougoslavie, douze fois plus. La question de l’adhésion se pose donc. Que finalement les Européens ou les Tunisiens y répondent négativement est une autre chose. Mais si l’on veut placer les relations UE – Tunisie au niveau historique où l’a porté la «révolution de jasmin», on ne peut l’éluder.
Cet article est publié ce même jour dans le quotidien tunisien «la Presse».
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