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Les entrepreneurs turcs misent sur le potentiel de l’Afrique 7 avril 2011

Posted by Acturca in Economy / Economie, Turkey / Turquie.
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Le Monde (France), 7 avril 2011, p. 16

Guillaume Perrier

Sur la plage à Libreville, Abdullah Gül, en manches de chemise, pantalon retroussé, pieds nus dans le sable et accoudé à une pirogue, a improvisé une discussion avec un pêcheur gabonais, le 27 mars. Le cliché a été publié à la  » une  » de la presse turque le lendemain et a fait autant pour le rapprochement entre la Turquie et l’Afrique que les accords de coopération et les contrats signés le même jour au palais présidentiel.

Le président de la République turque a habilement profité d’une promenade matinale avec quelques conseillers, pour soigner l’image de sa visite au Gabon. La Chine, l’Inde ou le Brésil ne sont plus les seuls grands pays émergents à s’intéresser à l’Afrique. La Turquie, avec ses 8,9 % de croissance en 2010, redouble d’attentions et elle étend de manière spectaculaire son implantation économique et diplomatique à travers le continent.

Depuis mai 2009, Ankara a ouvert dix ambassades au sud du Sahara, dont Bamako, Abidjan, Kampala, Yaoundé, Luanda, et en compte désormais une vingtaine… La dernière a été inaugurée par M. Gül le 24 mars, à Accra. En visite au Ghana et au Gabon, fin mars, le chef de l’Etat, a effectué sa quatrième tournée africaine depuis 2007. Dans son avion, 120 hommes d’affaires, turcs en majorité, des patrons de PME, l’accompagnaient, tous venus prospecter sur ces nouveaux marchés africains.

 » Les opportunités sont tellement nombreuses que nous pourrions remplir trois avions. Nous croyons dans le potentiel de l’Afrique « , déclarait Rizanur Meral, président de la confédération des industriels et des hommes d’affaires de Turquie (Tüskon), à la tête de la délégation.

Les échanges commerciaux avec le continent africain connaissent une accélération de plus de 10 % chaque année, et sont passés de 1,5 milliard de dollars en 2001 à 20 milliards de dollars (14 milliards d’euros) dix ans plus tard, selon M. Gül.  » Jusqu’en 1998, les relations étaient quasi inexistantes. Après cela, avec l’adoption d’un plan gouvernemental  » d’ouverture vers l’Afrique,  » l’intérêt turc s’est de nouveau manifesté « , explique l’universitaire Mehmet Özkan.

Cet intérêt se mesure aux ouvertures de lignes aériennes de la compagnie Turkish Airlines, qui dessert désormais une dizaine de capitales africaines – Dakar, Accra, Lagos ou Dar-es-Salaam…

La Tüskon a lancé en 2005 un  » pont commercial entre la Turquie et l’Afrique « , s’ouvrant vers de nouveaux pays. C’est cette puissante confédération patronale qui organise depuis lors les visites du président ou du ministre du commerce extérieur. Et en 2008, un retentissant sommet de la coopération Turquie-Afrique a réuni 49 pays du continent, à Istanbul. M. Gül y avait fait le voeu de voir la Turquie devenir  » la voix de l’Afrique « .

De nombreux débouchés

Ce rapprochement commercial entre la Turquie et le continent a concerné des pays riches en ressources énergétiques comme le Nigeria, le Soudan, le Cameroun, le Congo et le Gabon, tous visités par la délégation présidentielle ces dernières années. M. Gül a été reçu avec tous les honneurs à Libreville par Ali Bongo, admiratif devant  » les performances de l’économie turque « . Mais les hommes d’affaires turcs explorent aussi des contrées plus isolées : le Malawi, le Togo, la Zambie, et des secteurs d’activités plus diversifiés. L’industrie textile a délocalisé nombre d’ateliers en Ethiopie, où la Turquie est devenue l’un des principaux investisseurs.

 » L’Afrique est un terrain d’entraînement pour les entrepreneurs turcs qui n’ont pas encore la dimension pour s’attaquer à de plus gros marchés, explique M. Meral. En cinq ans, nous avons amené 3 500 patrons dans les pays africains.  » La balance commerciale bénéficiaire traduit ce dynamisme. Les débouchés pour les sociétés turques sont nombreux.  » Biens de consommation, textile, produits pharmaceutiques, bois, minerais, agriculture, construction… « , énumère-t-il. Au Ghana comme au Gabon, les Turcs ont mesuré le potentiel pour la pêche industrielle qu’ils ont déjà développé au large de la Mauritanie.

Les compagnies du BTP s’intéressent aux projets d’infrastructures qui foisonnent.  » Le Gabon a des projets de stades, de routes, de ponts, trois aéroports, une marina, de pipelines. Nous sommes venus pour prendre un premier contact « , précise Ethem Sokmen Dereli, d’Eser Contracting. Son entreprise est déjà active dans douze pays d’Afrique et ouvre une usine au Nigeria. Mais il fait aussi le constat de l’impossibilité de concurrencer les compagnies chinoises.  » Sauf en proposant une qualité supérieure, et en travaillant en partenariat avec les Américains ou les Européens qui ont plus de capacité de financement « , ajoute M. Dereli.

Comme au Cameroun et au Congo en 2010, M. Gül a exhorté ses hommes d’affaires à  » commercer mais surtout à investir « , répétant son  » souci du développement de l’Afrique « . La Turquie noue aussi des liens politiques, militaires, avec les pays africains – ses organisations humanitaires (IHH) sont discrètement présentes. L’agence nationale turque de développement (TIKA) mène des projets dans 37 pays d’Afrique et a ouvert des bureaux à Dakar et à Nairobi.

Enfin, les hommes d’affaires de la Tüskon, proche de la confrérie de l’imam turc Fethullah Gülen, financent un impressionnant réseau d’écoles turques et des bourses pour envoyer les meilleurs étudiants africains dans les universités turques. Les élèves ghanéens de l’école d’Accra ont accueilli M. Gül en costumes traditionnels de danseurs de la mer Noire et ont entonné l’hymne turc.

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