Les Collections de Mithat Bey

Télérama (France) no. 3196, Samedi, 16 avril 2011, p. 50

Jérémie Couston

Si les films de fiction sont souvent des documentaires implicites sur les villes qui leur servent de décors, Istanbul est vraiment le personnage principal de cette histoire d’amitié entre un vieux collectionneur et son jeune concierge. Plus précisément le quartier de Gümüssuyu, sur la rive asiatique, où les maisons des années 1940 et 1950 sont démolies pour être remplacées par des constructions conformes aux normes sismiques.

Le vieil immeuble des deux protagonistes est donc condamné. Comme le concierge, menacé par le digicode. Comme les piles de journaux poussiéreuses qui encombrent l’appartement de Mithat – l’oncle octogénaire de la réalisatrice, dans son propre rôle. La relation entre l’archiviste, mémoire vivante de la ville, et le concierge, son fils de substitution, évolue sans cesse, entre rapports de force et connivence. On pourra reprocher au film de prendre son temps : il calque, en fait, son rythme sur celui, nonchalant, de ces deux êtres en sursis. A la fois documentaire sur les mutations d’Istanbul, film de famille et réflexion sur la transmission, ce drôle d’objet passe insensiblement de la nostalgie à la cruauté.

Les Collections de Mithat Rey (11’e 10 kala). Drame (1h50min) de Pelin Esmer. Turco-franco-allemand 1h40 | Scénario : Pelin Esmer | Avec Mithat Esmer, Nejat Isler, Tayanç Ayaydin.