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La très poreuse frontière gréco-turque, principale faille de la zone Schengen 26 mai 2011

Posted by Acturca in EU / UE, Immigration, South East Europe / Europe du Sud-Est, Turkey-EU / Turquie-UE.
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Le Monde (France) jeudi 26 mai 2011, p. 7

Guillaume Perrier, Edirne (Turquie), Orestiada (Grèce) Envoyé spécial

La région qui s’étend le long du fleuve Meriç est l’une des principales voies d’accès clandestines vers l’Europe. Les passeurs s’adaptent aux dispositions prises par les Européens pour limiter l’afflux

Chaque nuit, des camionnettes venues d’Istanbul débarquent discrètement des dizaines de migrants à la frontière entre la Turquie et la Grèce. La région qui s’étend le long du fleuve Meriç reste l’une des principales voies d’accès clandestines vers l’Europe. A l’aide de barques, de bouées ou de simples cordes tendues entre les deux rives, hommes, femmes et enfants traversent les flots puissants du cours d’eau qui sert de ligne de démarcation.

La Commission européenne a présenté mardi 24 mai un projet de mesures restrictives pour répondre aux critiques grandissantes des Etats les plus exposés. En 2010, l’afflux de clandestins à la frontière a déjà provoqué « une crise humanitaire sans précédent », selon Apostolos Veizis, chef de la mission grecque de Médecins sans frontières. Les migrants s’engouffraient par une brèche bien connue, au sud de la ville turque d’Edirne : une portion de frontière terrestre de 12 km de long, aisément franchissable en passant de nuit, à travers champs. Près de 50 000 personnes ont été arrêtées en Grèce en 2010, après avoir pénétré illégalement par cette porte dans la zone de libre circulation de Schengen aujourd’hui décriée en Europe. Des milliers d’autres sont entrées sans être prises.

« C’est un boulevard. Il faut fermer cet accès », estime Georgios Salamagas, le chef de la police d’Orestiada, une petite ville grecque frontalière. Le gouvernement grec a affirmé sa détermination à construire un mur anti-migrants pour colmater ces 12 km. Et l’agence chargée des frontières extérieures de l’Union européenne (Frontex) a réagi en déployant, en novembre, 175 policiers des 27 pays de l’UE.

La mission qui s’est achevée en mars a eu un effet dissuasif immédiat. Les arrestations le long de la portion sensible ont diminué de 44 %, s’est satisfait Frontex. Mais la police d’Orestiada intercepte encore un millier de migrants chaque mois. Et surtout, l’opération très ciblée a déplacé le problème plus au sud. « Bien sûr, les réseaux des passeurs s’adaptent très vite », confirme Grigorios Apostolou, le directeur de la mission Frontex qui a ouvert un bureau permanent à Athènes. La frontière s’étend le long du fleuve Meriç et des côtes de la mer Egée. Des passages plus risqués. En 2010, au moins 62 personnes ont péri en essayant de franchir le fleuve. Les corps sont rarement réclamés et sont enterrés sur place dans l’enclos grillagé qui sert de cimetière pour migrants, dans le village de Sidero, un hameau grec proche de la frontière.

Du côté des autorités turques, rien n’indique une baisse des tentatives de passages clandestins, ni une amélioration des conditions de traitement des migrants. Au Sud, l’armée qui contrôle la frontière a renforcé ses patrouilles. Au poste de douane de Pazarkule, les militaires scrutent les environs à l’aide de caméras thermiques. « Nous avons encore intercepté 25 Algériens cette nuit », affirme le commandant de la garnison. Une fois arrêtés, les migrants sont envoyés dans l’un des camps de la région. Celui d’Edirne a accepté d’ouvrir ses portes à une mission conduite par la députée européenne Hélène Flautre, présidente de la commission UE-Turquie. Pour la visite, le centre de rétention a été vidé aux trois quarts et nettoyé de fond en comble.

Dans ce bâtiment décrépi, les voyageurs échoués sont entassés au mépris de toutes les règles. Des mineurs afghans âgés de 14 ans sont enfermés avec les adultes. La durée de détention est arbitraire. Un Tunisien qui tentait de rallier la France explique être enfermé depuis plus de quatre mois. Avec lui des Marocains, des Birmans et des Nigérians. « Ils nous battent, nous sommes parqués comme des animaux », s’insurge Mohammed, un Algérien. La cellule s’emplit soudain des hurlements d’un homme. Un déserteur de l’armée russe, atteint de troubles psychiatriques. « Ne vous inquiétez pas, il sera bientôt renvoyé chez lui », lance le directeur du centre.

Au camp de Soufli, côté grec, la situation est pire encore. Cinquante personnes s’entassent dans une cellule d’environ 50 m2. Aucune sortie n’est possible. « Il y a trois semaines, nous étions deux cent quinze, c’est inhumain, témoigne Youssouf, un jeune Irakien chrétien. Des gens dormaient dans les toilettes et dans ce placard », montre-t-il. Une unique douche est en état de fonctionner. Deux Iraniens, en fuite depuis les manifestations de 2009, sont en grève de la faim. Un Nigérian souffre du diabète.

Les demandeurs d’asile sont détenus pendant une durée minimum de six mois avant de voir leur dossier éventuellement examiné et, dans la plupart des cas, rejeté. Youssouf ne songe même pas à réclamer l’asile en Grèce. « J’ai fui l’Irak en 2004, j’ai traversé l’Europe et déposé une demande d’asile en Suède. Mais ils m’ont renvoyé vers Bagdad en 2009 en disant que la guerre était finie », témoigne-t-il.

Frontex continue de mener des opérations dans la zone. Mais la frontière gréco-turque reste difficilement contrôlable, avec des dizaines d’îles à portée de bateau et des clandestins toujours plus nombreux à tenter de s’infiltrer dans ces failles. L’afflux vers la Grèce, très sensible depuis 2008, année record avec 150 000 arrestations, s’explique par les missions de surveillance déployées au large des côtes espagnoles et italiennes, note Hélène Flautre. 90 % des entrées illégales empruntent cette route.

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