La véritable unité de la Méditerranée poétique 26 mai 2011
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l’Humanité (France) jeudi 26 mai 2011
A. F.
De la Grèce à la Macédoine en passant par la Turquie, l’Égypte, le Maghreb, l’Espagne : un cabotage littéraire et bilingue autour de « notre mer » intérieure avec 101 poètes.
Cette anthologie établie par Eglal Errera regroupe 4 générations de poètes contemporains tous « amarrés à leur langue » ; 17 langues, 5 alphabets. Notons, et c’est là la première originalité de cette édition, que figurent, face à face, le poème en sa langue originelle en regard de sa traduction française ; 24 pays : des villes, des ports, des îles… ; un traitement égal de 5 pages est réservé aux 101 poètes comme on dit les « mille et une nuits », histoire de faire signe vers cet inachevable caractéristique de l’entreprise.
C’est à un voyage que nous convie Eglal Errera en accord en cela avec le titre même de la belle préface d’Yves Bonnefoy : « Moins une mer que des rives. » Ainsi on part d’Athènes vers l’est : Turquie, Israël, monde arabe avant de remonter via l’Espagne, la France, l’Italie vers la Macédoine, ouest où le soleil décline. On parcourt des terres, plus qu’on ne navigue. C’est l’autre originalité de cette anthologie que d’avoir choisi non la mer et ses appels répétés vers l’ailleurs ; non l’ivresse poétique de l’au-delà des Colonnes d’Hercule aimantée par cette « île des bienheureux » dont parlait Pindare et qu’évoque Yves Bonnefoy lorsqu’il nous rappelle comment l’Ulysse de Dante finira par naufrager et se perdre lors de son second voyage en Atlantique, mais bien la Méditerranée comme creuset de rencontres, chaudron d’échanges, lieu de comptoirs où le langage, les langues qu’on parle sur ces rives se trouvent mis au centre et donc, en sa pointe, la poésie, « expérience fondatrice » écrit Yves Bonnefoy, pour la Méditerranée : la poésie comme mémoire de l’être, comme ce qui entend défendre l’idée que s’il y a certes encore de l’attrait pour l’Eurydice noire, perdue, il y a aussi, ici et là, sous le ciel, des choses, des êtres et leurs infinies relations à préserver des ravages du discours des médias comme de la pensée conceptuelle.
On ne trouvera pas dans cet ouvrage quelque pâle et mauvais accord de circonstance sous prétexte d’une Mare nostrum et d’une lumière que l’on pourrait croire celle des premiers matins du monde. Ici, chaque poète dit à sa manière et dans sa langue cette terre de contrastes, cette réalité déchirée où pourtant chacun ancre son identité irremplaçable avant de dire ce que Salah Stétié appelle « la prodigieuse nuance séparée ».
La Méditerranée comme une chambre d’échos, une caisse de résonance. Résonance ? ce qui importe en poésie, non ?
Les Poètes de la Méditerranée, Anthologie, préface d’Yves Bonnefoy. Édition établie par Eglal Errera. Poésie-Gallimard, 12 euros
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