Gumenen. Un oeil sur la communauté turque

Le Télégramme (Bretagne) vendredi 27 mai 2011, p. AUR2

Mathieu Pélicart

Le Rennais Emmanuel Piton a réalisé un documentaire sur la communauté turque du Gumenen, sur fond de renouvellement urbain du quartier.

L’émotion était palpable, mardi soir, dans la salle du cinéma Les Arcades, lorsque les acteurs du film ont découvert en avant-première le documentaire d’Emmanuel Piton. «Almanci, entre deux rives» part à la rencontre de la communauté turque qui vit dans le quartier du Gumenen. En langue turque, «Almanci» désigne les immigrés d’origine turque qui vivent en Europe. «Au départ, mon idée était de filmer la transformation du quartier et l’attachement des habitants à leur lieu de vie. Et puis je me suis laissé entraîné par les enfants dans la vie de la communauté turque», explique le jeune réalisateur, dont c’est le premier documentaire, après plusieurs courts-métrages.

Déracinement

Emmanuel Piton a découvert le quartier en 2008, alors qu’il réalisait le making-of du tournage du film d’animation «Pas de Go sans les Gu». Un projet commandé par la ville d’Auray, qui plaçait les élèves de l’école Tabarly au centre de la réflexion sur la transformation du quartier. «Quand je suis revenu pour filmer les habitants du quartier, le sujet a rapidement basculé sur le déracinement de la communauté turque, et sur la double culture.» Le tournage s’est étalé entre juillet2010 et février2011. Pour mieux pénétrer au cœur de la communauté turque, le réalisateur a eu la bonne idée de confier des caméras Super 8 à une demi-douzaine de personnes, hommes, femmes et enfants, qui sont devenus les personnages récurrents du documentaire.

«Je reste un étranger»

On découvre ainsi l’histoire du père, paysan venu en France au début des années 80 pour ramener de l’argent au pays, mais qui n’y est jamais retourné. «Ici, je reste un étranger, mais pour les Turcs, je suis devenu un Français». Son fils, âgé aujourd’hui d’une trentaine d’années, égrène ses souvenirs d’enfance, quand la communauté turque n’était pas encore si importante et regroupée. «Mes copains étaient tous des Français de souche. Aujourd’hui, on vit entre nous, aussi parce que ça nous ramène au pays, explique-t-il. Turc à l’intérieur, Français à l’extérieur», dit un autre homme de son âge.

Habitants «délaissés»

Une mère de famille explique bien ce déchirement insurmontable, entre le rêve d’un retour en Turquie et la réalité : «J’ai fait ma vie à Auray. Mes enfants et mes amis sont ici». Reste le regard du réalisateur, qui estime que les habitants du quartier ont été trop longtemps «délaissés» dans un environnement difficile, expliquant le repli de la communauté à l’intérieur du quartier.

Pratique

«Almanci, entre deux rives» (52 mn), réalisé par Emmanuel Piton, produit par Les Films de l’autre côté (contact@delautrecote.fr). Le documentaire devrait être diffusé cet automne sur les chaînes locales de la TNT (TV Rennes, Ty Télé et Tébéo).

Un acteur du film

«Mes copains d’enfance étaient tous des Français de souche. Aujourd’hui, on vit entre nous, aussi parce que ça nous ramène au pays».