jump to navigation

« On peut craindre l’effacement du contre-pouvoir en Turquie » 1 août 2011

Posted by Acturca in France, Turkey / Turquie.
Tags: , , , , , , ,
trackback

Le Point.fr (France) lundi 1 août 2011

Armin Arefi

Pour Nora Seni, directrice de l’IFEA, la Turquie pourrait s’orienter vers la consécration d’un homme, le Premier ministre Erdogan.

L’armée turque serait-elle sur le point d’être complètement mise en retrait de la vie politique de son pays ? Second régiment le plus important de l’Otan, elle a vu ses principaux dirigeants démissionner vendredi pour protester contre le refus du gouvernement d’accorder une promotion à leurs collègues incarcérés par le régime. C’est donc sous la présidence unique du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan qu’a débuté lundi la réunion annuelle du Conseil militaire suprême (YAS), un fait sans précédent dans le pays. Rectificatif : Nora Seni, directrice de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul (IFEA), a souhaité apporter un démenti à la première version de son interview au Point.fr.

La démission des généraux de l’armée est-elle à même de bouleverser le paysage politique turc ?

Il serait prématuré de tirer toutes les conclusions de ces démissions. Le haut conseil YAS est en réunion en ce moment même. L’armée a certainement espéré provoquer une crise et ce n’est pas tout à fait ce qui se passe en ce moment. Les militaires se sont rendu compte depuis déjà un moment qu’ils ont perdu leur ancien pouvoir sur la société turque.

Quelle est la cause profonde de ce mécontentement de l’armée ?

L’armée constituait la principale opposition au gouvernement du parti musulman conservateur, l’AKP. Or ce gouvernement a invalidé la candidature de nombreux généraux pour le prochain remaniement de l’armée en août, ce qui équivaut à une mise à l’écart de ces candidats à devenir chefs des armées. 200 militaires hauts gradés demeurent actuellement en prison pour « conspiration contre l’État », suite à leur implication dans l’affaire Ergenekon (réseau politique clandestin impliqué dans des actions visant à discréditer le gouvernement ou provoquer la chute du parti islamique au pouvoir depuis 2002).

Quel est le rôle de l’armée en Turquie ?

L’armée, une des principales forces fondatrices de la République turque, a continué à jouer un rôle majeur dans les orientations politiques et dans la vie économique de la Turquie moderne. Cette façon d’interférer dans la sphère des gouvernements civils est loin d’être conforme aux règles de la démocratie parlementaire. Il faut rappeler qu’elle a réalisé trois coups d’État en vingt ans : en 1960, 1971 et 1980. Elle s’est ainsi instaurée en arbitre à la tête de la vie politique turque, si bien que les différents responsables politiques ont toujours dû tenir compte de son avis.

N’est-elle pas pourtant considérée comme le garant de la laïcité ?

Certainement. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle a laissé s’épanouir la vie démocratique et su régler la question kurde, entre autres. Au contraire elle a tiré de la persistance de ce problème une certaine légitimité pour son action militaire dans le Sud-Est anatolien.

Peut-on parler de dérive totalitaire du gouvernement Erdogan ?

On peut en effet craindre le développement d’un penchant qui consacre le pouvoir d’un homme, le Premier ministre Tayyip Erdogan, l’effacement ou l’affaiblissement progressif des institutions pouvant servir de contre-pouvoir dans la société turque. La liberté de la presse est contestée par l’emprisonnement de plusieurs dizaines de journalistes.

Le pays risque-t-il dès lors de sombrer dans l’islamisme ?

Certainement pas de « sombrer ». Deux modes de vie se concurrencent sur la place publique turque aujourd’hui. Celui de la classe moyenne promue par l’AKP et grâce à laquelle ce parti a remporté trois fois d’affilée les élections législatives, avec à chaque scrutin un nombre de voix supérieur au précédent. Celui-ci a atteint en juin dernier 50 % des votants. Cette catégorie sociale affiche ses convictions religieuses par ses codes vestimentaires (foulard noué d’une certaine façon par les femmes) et sa sobriété (non-consommation d’alcool), sa piété (fréquentation de la mosquée), un ensemble d’usages ostentatoires qui permet d’être avantagé lors d’arbitrages par les pouvoirs publics. Mais il existe une population qui ne souhaite pas avoir les musulmans conservateurs au gouvernement ni ne tolère l’interférence de l’armée.

Commentaires»

No comments yet — be the first.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :