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La Turquie durcit sa politique vis-à-vis d’Israël 5 septembre 2011

Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.
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Le Monde (France) lundi 5 septembre 2011, p. 4

Ariane Bonzon

Expulsion de l’ambassadeur israélien en poste à Ankara, suspension des accords militaires, saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) : tout juste rentré de la Conférence internationale sur la Libye qui se tenait la veille à Paris, Ahmet Davutoglu, le ministre turc des affaires étrangères, a annoncé, vendredi 2 septembre, une série de mesures de rétorsion contre Israël. Motif : le refus israélien de s’excuser pour le raid mené, le 31 mai 2010, contre le Mavi-Marmara, principale unité de la flottille humanitaire qui cherchait à briser le blocus de Gaza. L’intervention des commandos israéliens avait causé la mort de neuf Turcs et porté un coup sévère aux relations israélo-turques mal en point depuis deux ans et demi.

Ces mesures de rétorsion sont en elles-mêmes moins surprenantes que le moment choisi pour les annoncer, soit quelques jours avant que le rapport Palmer des Nations unies ne soit officiellement publié : ainsi, l’expulsion de l’ambassadeur israélien n’aura  » physiquement  » pas lieu puisque celui-ci séjourne actuellement en Israël; Ankara a réduit – et non suspendu, ce qui avait été un moment envisagé – le niveau de ses relations diplomatiques avec Israël; lancées en 1996, les manoeuvres militaires communes en Anatolie ou dans le Néguev sont déjà au point mort depuis l’opération « Plomb durci  » menée par Israël sur Gaza en décembre 2008; et voilà plusieurs mois que la Turquie a pris possession du dernier des dix drones (Heron) commandés à Israël et qui lui sont fort utiles dans la guerre qu’elle mène contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le Kurdistan irakien.

La menace de saisine de la CIJ à propos de la légitimité du blocus de Gaza constitue, en fin de compte, la plus sérieuse mesure. En revanche, M. Davutoglu n’a pas touché aux relations économiques entre les deux pays, lesquelles se sont plutôt renforcées ces derniers temps, malgré la désaffection notable des touristes israéliens pour la Turquie.

C’est, selon l’analyste turc Mensur Akgun, la « fuite  » du rapport de l’ONU dans le New York Times en date du 2 septembre qui aurait conduit la Turquie à activer son « plan B  » de sanctions contre Israël. Comme si Ankara réagissait non pas tant contre Israël que contre le contenu même du rapport – qualifié, également vendredi, de  » nul et non avenu  » par le président turc Abdullah Gül -, alors que, selon l’AFP, Israël l’adopterait en émettant quelques réserves. « Ankara reproche au rapport Palmer de faire l’impasse sur les excuses israéliennes exigées par la Turquie, et de reconnaître une légalité internationale au blocus maritime sur Gaza », écrit Kadri Gursel, éditorialiste à Milliyet (centre gauche). Selon le New York Times, le rapport Palmer dénonce un usage de la force « excessive et déraisonnable  » de la part des commandos israéliens lors du raid qu’ils ont effectué sur le Mavi-Marmara, mais suggère également que ces derniers ont été confrontés à la « résistance violente et organisée d’un groupe de passagers ». Une manière de mettre en doute la principale ligne de défense, pacifique, turque.

« Logiquement, le gouvernement aurait dû attendre la publication du rapport puis les réactions israéliennes », suggère, à Istanbul, Gareth Jenkins, expert en affaires militaires et stratégiques. « Il n’est pas exclu – même si très peu probable – qu’en position de force après la publication de ce rapport, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ait alors fait un geste supplémentaire à l’égard de la Turquie », explique M. Jenkins

La précipitation avec laquelle M. Davutoglu a annoncé ces mesures de rétorsion paraît étrange. Mais en réagissant de manière offensive avant même la publication officielle d’un rapport que son gouvernement conteste, le ministre turc des affaires étrangères table sur le très large consensus anti-israélien qu’a fait naître en Turquie la mort de ces neuf militants. Il anticipe l’humiliation que ces conclusions – pour certaines jugées défavorables à la Turquie – pourraient produire dans son opinion publique.

Alors même que les printemps arabes mettent à mal la nouvelle politique étrangère turque telle que conceptualisée par Ahmet Davutoglu – en Syrie, la main tendue turque n’a pas eu d’effet sur la répression menée par Bachar Al-Assad et en Libye, la Turquie se voit voler la vedette par la France – ces mesures de rétorsion contre Israël peuvent donner le change et assurer au gouvernement musulman conservateur de Recep Tayyip Erdogan un regain de popularité dans le monde arabe.

Et puis, quelques heures après qu’Ahmet Davutoglu eut détaillé auprès des médias les mesures de rétorsion turques vis-à-vis d’Israël, un porte-parole de son ministère annonçait, lui très discrètement, l’accord d’Ankara au déploiement du bouclier antimissiles de l’OTAN sur le sol turc. En adoptant publiquement une ligne dure contre Israël, Ankara espère peut-être minimiser les éventuelles critiques du monde musulman que pourrait lui valoir sa décision de laisser l’Alliance utiliser son territoire contre l’Iran.

Le rapport de l’ONU à l’origine de la discorde

L’assaut des commandos israéliens contre le Mavi-Marmara était « excessive et déraisonnable », mais le blocus maritime imposé par Israël à Gaza est « conforme au droit international », conclut le rapport de l’ONU, publié vendredi 2 septembre, sur le raid mené contre le bateau de la flottille pour Gaza au cours duquel neuf Turcs ont été tués, le 31 mai 2010.

La commission d’enquête, présidée par l’ancien premier ministre néo-zélandais Geoffrey Palmer, estime que les soldats israéliens ont fait face à une « résistance organisée et violente de la part d’un groupe de passagers », ce qui les a conduits à faire usage de leurs armes. Le rapport pointe toutefois une réaction israélienne disproportionnée face à une flottille qui ne « représentait pas une menace militaire immédiate pour Israël ». Le groupe d’experts regrette aussi de ne pas avoir reçu d’explication satisfaisante des autorités israéliennes sur la mort des neuf passagers turcs dont les autopsies montrent qu’ils ont « pour la plupart été tués de plusieurs balles, y compris dans le dos ou à bout portant ».

La conclusion la plus controversée de ce rapport d’une centaine de pages porte sur la légalité du blocus naval de la bande de Gaza, décrit comme « une mesure légitime de sécurité destinée à empêcher l’entrée d’armes à Gaza par la mer ». En réponse, le membre turc de la commission, Ozdem Sanberk, a fait insérer un commentaire en annexe dans lequel il se dissocie de ce paragraphe. L’expert israélien, Joseph Ciechanover, a fait de même pour rejeter les critiques adressées aux soldats de Tsahal, arguant qu’ils se trouvaient en état de « légitime défense ».

La mission israélienne auprès de l’ONU a néanmoins salué un « document sérieux et complet ». Le rapport recommande qu’Israël exprime des « regrets » et verse une compensation financière pour les familles des victimes.

Loin de contribuer à réconcilier Israël et la Turquie, ce rapport marque un divorce profond entre les positions des deux pays. La publication a été reportée à plusieurs reprises depuis le mois de février pour tenter de rapprocher les points de vue. Sans succès.

Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a annoncé l’intention d’Ankara de saisir l’Assemblée générale de l’ONU et d’appeler à un vote sur le bien-fondé du blocus de Gaza

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