Guerre feutrée entre Bruxelles et Moscou autour des gazoducs du sud de l’Europe 9 novembre 2011
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La Tribune (France), no. 4846, mercredi 9 novembre 2011, p. 3
Marie-Caroline Lopez
Pour s’émanciper de l’emprise du gaz russe, Bruxelles tente de monter son gazoduc Nabucco, contré dans le sud de l’Europe par un autre projet de Gazprom, South Stream.
Cela ressemble à une guerre de position. D’un côté, Moscou a décidé de parachever son entreprise de contournement de l’Ukraine pour exporter son gaz vers l’Europe en construisant au sud un autre gazoduc géant, South Stream. De l’autre, l’Union européenne, plus soucieuse que jamais de desserrer l’étau russe, qui lui fournit plus d’un tiers de ses besoins en gaz, tente de se ménager un accès à l’or bleu de la Caspienne, via un troisième méga-gazoduc, Nabucco.
Politiquement en concurrence, ces deux projets gigantesques, estimés à 25 milliards de dollars pour South Stream et 15 milliards d’euros pour Nabucco, se sont retrouvés avec la crise à se disputer également approvisionnements et débouchés. À long terme, gaz naturel liquéfié et gaz de schistes semblent promettre un marché du gaz à bas prix (voir ci-dessous) en Europe. Les grands opérateurs gaziers ne se battent donc pas pour financer des infrastructures dont la nécessité n’est pas totalement démontrée.
Même South Stream, sur le papier plus avancé et surtout moins compliqué que Nabucco, attend encore une décision finale d’investissement d’ici à la fin 2012. Projet bilatéral italo-russe, sur le modèle russo-germanique de Nord Stream, ce gazoduc de 3.600 km doit relier la Russie à l’Italie en passant par la mer Noire (dans les eaux turques), la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Slovénie. EDF (15 %) et l’allemand Wintershall (15 %) ont rejoint ENI (20 %) et Gazprom (50 %) dans ce projet qui vise une capacité de 15,6 milliards de mètres cubes d’ici à fin 2015 et 63 milliards en 2018.
En gestation depuis 2002, Nabucco est dans une situation plus délicate car aucun pays producteur de la Caspienne ne s’est encore engagé à y expédier son gaz, dissuadé en grande partie par leur puissant voisin russe. Ce qui n’a pas empêché la Commission européenne de mandater en septembre dernier l’ouverture de négociations avec l’Azerbaïdjan et le Turkménistan, détenteurs d’abondantes réserves, afin de construire un gazoduc entre les deux pays, en traversant la mer Caspienne. C’est un préalable très délicat à la mise en route de Nabucco. Moscou n’a d’ailleurs pas manqué de protester vigoureusement.
La date butoir d’investissement de Nabucco a été repoussée de 2011 à 2013. Sa mise en service est désormais visée pour 2017, avec une capacité de 31 milliards de mètres cubes. Aucun grand opérateur européen n’est à son capital, en dehors de l’allemand RWE, préféré en 2006 à GDF Suez à cause du veto turc, Ankara étant, à l’époque, politiquement remonté contre la France.
Le Corridor gazier Sud est devenu une idée fixe pour l’Union européenne. Elle est apparue en raison de la crainte injustifiée de devenir dépendant des matières premières russes. En soi, c’est une sorte d’image collective de tous les projets de fourniture de gaz de la région caspienne et du Moyen-Orient en Turquie et en Europe. Le projet du gazoduc Nabucco est le plus prioritaire. Et bien qu’il soit discuté depuis de nombreuses années, sa mise en œuvre pratique avance très lentement. Cela est dû à l’absence d’une base de ressources pour remplir ce gazoduc.
Lisez plus sur mon blog http://gazoduc.livejournal.com/