En Turquie, la croissance est devenue le principal argument électoral de l’AKP 13 décembre 2011
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Le Monde (France) Le Monde Economie, mardi 13 décembre 2011, p. MDE5
Dossier: les islamistes jouent leur crédibilité sur l’enjeu économique
Guillaume Perrier, Istanbul
Lorsque le Parti de la justice et du développement (AKP) est arrivé au pouvoir à Ankara en décembre 2002, l’économie turque était mal en point. Ruiné par des gouvernements dispendieux et par une crise financière qui avait laissé l’économie exsangue en 2001, le pays réclamait du changement.
Depuis neuf ans, le parti de Recep Tayyip Erdogan gouverne seul et enchaîne les succès électoraux. Réélu haut la main en juin 2011 avec 50 % des votes, le premier ministre a axé toute sa campagne sur son bilan économique, passant en revue les progrès fulgurants observés depuis 2003 : le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant est passé en moins de dix ans de 3 000 à 11 000 dollars (2 200 à 8 193 euros).
Le développement rapide du pays, qui s’est couvert de routes, d’aéroports, d’universités et d’hôpitaux, place désormais la Turquie parmi les vingt premières puissances économiques du monde et parmi les grands pays émergents. Le dynamisme de la croissance – près de 8 % sont prévus fin 2011 après une année 2010 à 8,9 % – fait de la Turquie une curiosité aux portes de l’Union européenne, dont les pays membres s’enfoncent dans la récession.
Toujours candidate à l’adhésion à l’Union européenne, Ankara est même aujourd’hui en mesure de respecter les critères de Maastricht. « Depuis que je suis premier ministre, la dette publique est passée de 73 % du PIB à 45 %. Nous ne dévierons pas de notre discipline budgétaire », a lancé M. Erdogan lors du sommet du G20, à Cannes, en novembre. Le gouvernement présente pour 2012 un budget en excédent primaire.
L’arrivée au pouvoir de l’AKP avait été accueillie avec soulagement par les milieux économiques. Même par la Tüsiad, la puissante organisation patronale laïque, représentant les grandes familles de l’élite stambouliote.
L’économie turque de la fin des années 1990 restait encore très fermée aux investisseurs étrangers. Mais le parti de M. Erdogan a, dès son arrivée au pouvoir, rompu avec l’étatisme traditionnel du régime, pour épouser une ligne beaucoup plus libérale. Dès 2003, l’AKP a réformé la législation permettant les investissements directs étrangers, essentiels pour la croissance. La refonte complète du code du commerce, très attendue par les acteurs étrangers, devrait, elle, intervenir dans le courant de l’année 2012.
Pragmatisme
Deux lignes directrices ont guidé les réformes du gouvernement turc depuis neuf ans : les négociations d’adhésion à l’Union européenne, ouvertes en décembre 2004, et les recommandations du Fonds monétaire international (FMI), garant d’une certaine orthodoxie budgétaire dans la gestion de l’après-crise. Sous l’impulsion du FMI, la Turquie a renforcé l’indépendance de la banque centrale, réformé sa politique fiscale et fait la chasse aux déficits.
L’AKP a aussi lancé une vaste campagne de privatisations de secteurs entiers de l’industrie : agroalimentaire, énergie, transports… Les préoccupations sociales sont passées au second plan, même si le gouvernement a fait voter la réforme de la « carte verte », une sorte de couverture maladie universelle qui donne aux foyers les plus pauvres un accès gratuit aux soins.
Pragmatique, l’AKP a totalement rompu dès sa création, en 2001, avec l’islamisme plus classique, antilibéral et anti-occidental, qui caractérisait les mouvements précédents au sein de la même mouvance. « Une fois au pouvoir, on demande des comptes aux dirigeants. Il ne suffit pas de prêcher des principes, les citoyens réclament des résultats », estime Mustafa Akyol, auteur d’Islam Without Extremes (« L’islam sans extrêmes »), aux éditions Norton. « S’ils voulaient interdire la vente d’alcool, par exemple, cela poserait de gros problèmes à l’industrie touristique. Ils sont forcés de faire des compromis », poursuit-il.
La transition avait même été amorcée dès le milieu des années 1990, à l’époque où M. Erdogan, alors jeune maire d’Istanbul, nouait ses premiers contacts avec les milieux d’affaires. En 1994, la Müsiad, le patronat islamiste, avait publié un fascicule intitulé Homo Islamicus (Müsiad, 1994, en turc), dans lequel il faisait l’éloge du travail et du libre-échange, en s’appuyant sur le fait que le Prophète Mahomet était un commerçant.
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