Soutenu par l’Union européenne, le gazoduc Nabucco semble un projet mort-né 8 février 2012
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Le Monde (France) mercredi 8 février 2012, p. 13
Jean-Michel Bezat
Ce pipeline devait acheminer le gaz de la Caspienne vers l’Europe. Ses sources d’approvisionnement sont insuffisantes et trop incertaines
Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a sans doute gagné la « bataille des gazoducs » au sud de l’Europe. Il devient en effet évident que Nabucco, projet de pipeline soutenu, depuis 2004, par l’Union européenne (UE), ne verra pas le jour. Les Européens n’ont pas trouvé suffisamment de gaz pour rentabiliser leur projet, et c’est un peu le rêve de réduire leur dépendance à la Russie qui s’éloigne.
Le chantier concurrent, Southstream, financé par le russe Gazprom, le français EDF, l’italien ENI et l’allemand Wintershall (groupe BASF), devrait quant à lui débuter fin 2012.
Après les deux crises russo-ukrainiennes de 2006 et 2009, qui avaient entraîné une pénurie hivernale de gaz en Europe centrale et orientale, l’UE défendait l’idée d’un « corridor Sud » contournant l’Ukraine : un réseau de plusieurs gazoducs, dont Nabucco (Turquie-Autriche), censé amener la précieuse énergie (30 milliards de m3 par an) jusqu’au coeur du Vieux Continent.
Malgré le soutien de tous les pays de transit de ce « tuyau » de 3 900 km (Turquie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Autriche), le projet a échoué. Avant d’être une victoire politique pour M. Poutine, cet échec annoncé est une défaite économique. « Le gaz de Nabucco, il vient d’où ? », demandait régulièrement le premier ministre russe.
Jusqu’à présent, les sources d’approvisionnement sont en effet insuffisantes et trop incertaines pour justifier un investissement de 10 milliards d’euros. Il aurait fallu du gaz turkmène, iranien ou irakien. Et un apport de l’Azerbaïdjan.
Un coup peut-être fatal a été porté à Nabucco avec la signature, le 26 décembre 2011, d’un accord entre Bakou et Ankara sur la construction du gazoduc Trans-Anatolie, qui acheminera le gaz du gisement géant de Shah Deniz II (mer Caspienne), opéré par le britannique BP, vers la Turquie et l’Europe.
Jürgen Grossmann, patron du groupe d’énergie allemand RWE, a reconnu qu’il pourrait revoir son investissement dans Nabucco. De leur côté, les Turcs ont eu beau réaffirmer que leur compagnie nationale Botas « continuera à oeuvrer pour la réalisation de Nabucco », les observateurs ne croient plus à sa viabilité économique.
Plaque tournante
La Turquie a abattu d’autres cartes. Elle a besoin de plus en plus d’énergie pour alimenter sa croissance économique et veut devenir une plaque tournante des livraisons vers l’Europe. Fin 2011, elle a autorisé Gazprom à faire passer Southstream dans ses eaux territoriales de la mer Noire. Le pipeline, qui coûtera environ 16 milliards d’euros, aura une capacité annuelle de 63 000 m3. Long de 3 600 km, il débouchera en Autriche et en Italie.
Moscou n’a jamais été aussi actif pour garder la maîtrise de l’approvisionnement gazier des Vingt-Sept, dont il assure 25 % de la consommation. Gazprom a annoncé, le 23 janvier, qu’il doublait ses achats de gaz à la Socar, la compagnie nationale azérie. Autant de moins pour Nabucco.
Fin décembre, dans un show télévisé bien rôdé avec M. Poutine, le patron du géant russe, Alexeï Miller, a annoncé que la construction de Southstream débuterait en décembre 2012, avec quelques mois d’avance. Ce « pipe » sera mis en service « fin 2015 », a-t-il assuré.
Les experts jugent pourtant qu’à court terme, l’intérêt de Southstream n’est pas avéré, notamment depuis la récente mise en service du gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne sous la Baltique.
La Russie n’a pas tous les atouts du jeu en main. Son activisme s’explique aussi par l’accumulation de menaces sur sa suprématie gazière. Les gaz naturels liquéfiés du Qatar et – demain – d’Australie offrent d’autres sources d’approvisionnement aux Européens. Et les Etats-Unis pourraient exporter un jour une partie de leur énorme production de gaz de schiste.
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