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Récit d’exil d’Istamboul à Saint-Pourçain 29 mars 2012

Posted by Acturca in Art-Culture, Books / Livres, France, Istanbul, Turkey / Turquie.
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La Montagne (France) jeudi 29 mars 2012, p. Montlucon-07

Hervé Moisan, Interview

En une quinzaine d’années, Patrice Rötig a réussi à faire de sa petite maison d’édition, Bleu autour, basée à Saint-Pourçain-sur-Sioule, le premier éditeur français de littérature turque. De retour du Salon du livre, à Paris, il revient sur son étonnant parcours.

Les géographies intérieures n’ont pas grand-chose à voir avec la géographie. Patrice Rötig en est la preuve vivante. Éditeur atypique, à la fois exilé dans son propre pays et attaché à l’Allier, sa terre d’accueil, il s’est fait une spécialité des récits d’errance, avec un fort penchant pour les auteurs turcs.

Vous revenez du salon du Livre de Paris. Comment ça s’est passé ?

Très très bien ! Sur le plan commercial, nous avons vendu deux fois plus de livres que l’an dernier. Grâce notamment à notre petit dernier, Une enfance juive en Méditerranée. Mais ce n’est pas le plus important : on a pris aussi beaucoup de contacts. J’ai même vendu à un éditeur marocain, les droits de plusieurs livres d’auteurs turcs que nous avons publiés !

Précisément, comment devient-on le premier éditeur de littérature turque, quand on est basé à Saint-Pourçain-sur-Sioule ?

C’est une longue histoire, qui commence dans les années 50. De l’âge de 4 à 8 ans, j’ai vécu à Istamboul. Je n’y suis pas retourné avant 1995. Et ce retour en Turquie, cette année-là, m’a littéralement bouleversé. Je me suis replongé dans mes souvenirs, dans une enfance cadenassée. En revenant en France, je me suis dit qu’il fallait que je fasse des livres. Cette idée a cheminé doucement, je me suis petit à petit séparé de mes activités presse, pour me consacrer à l’édition.

Vos premiers livres ne sont pourtant pas écrits par des auteurs turcs.

C’est vrai, mais dès le départ, j’ai publié des histoires d’exil, des textes d’auteurs se sentant étrangers dans leur pays. Ma première collection ne s’appelle pas par hasard D’un lieu l’autre. Le voyage en Turquie m’a fait prendre conscience que je m’étais depuis longtemps senti étranger. À ma famille, à mon pays.

Pourtant, contrairement à beaucoup d’exilés, vous vous êtes fixé, et pas n’importe où, à Saint-Pourçain…

Oui, et en vérité, je n’ai jamais travaillé qu’ici, en Allier. La raison, c’est que je me suis dit qu’en comprenant ce territoire, je comprendrai la France. Au début, j’ai ainsi publié pas mal de textes sur la région, comme l’Almanach nouveau du Bourbonnais, et je me suis investi dans une expérience de presse indépendante avec La lettre de l’Allier. Et j’ai également travaillé auprès de quelques hommes politiques comme François Colcombet et Jean-Michel Bélorgey, ainsi que d’autres, à droite, parce que je considérais qu’ils pouvaient contribuer à faire avancer les choses.

Comment avez-vous pris votre virage turc ?

Ma première rencontre, c’est celle, grâce à Colcombet et Bélorgey, avec Leïla Sebbar, une franco-algérienne, qui écrit beaucoup sur l’exil, sur l’enfance déchirée entre deux pays, entre deux cultures. On a publié certains de ces textes. Puis il y a eu la rencontre avec un auteur turc, au salon du Livre. Il m’a donné un très beau texte. De fil en aiguille, j’ai découvert d’autres auteurs, des écorchés vifs, des étrangers dans leur propre pays qu’on a aussi publiés. Au bout du compte, avec Actes Sud, nous sommes aujourd’hui le premier éditeur de littérature turque en France. Une littérature qui n’a rien à envier à d’autres : elle est étonnamment moderne.

Vous avez également publié un bel ouvrage de dessins de Pierre Loti qui a notamment séjourné à Istamboul. Ce n’est sans doute pas un hasard

Bien sûr que non ! Loti fait partie de ces voyageurs qui avaient soif d’ailleurs. On a d’ailleurs en projet de publier un beau livre avec ses photographies, d’ici la fin de l’année. Mais nous avons publié des auteurs venant d’autres cultures : je pense à Raffi, surnommé le Dostoïevski arménien, à un auteur ouzbek. Et puis, il y a ce petit dernier, une enfance juive en Méditerranée qui rassemble des textes réunis par Leïla Sebbar. Au-delà de sa valeur de témoignage, c’est une franco-algérienne qui a réalisé ce travail dans la communauté juive et ce clin d’oeil me plaît beaucoup.

Spécialisé dans l’ailleurs, vous avez toutefois publié des livres ayant un enracinement local. Quels sont vos critères en la matière ?

C’est vrai que je me refuse à publier des ouvrages régionalistes. Le critère, c’est qu’il faut qu’ils dépassent le cadre local. On a ainsi fait un Vichy à la Belle époque et surtout, depuis quelques années, on réalise le catalogue des expos du Centre national du costume de scène (CNCS) de Moulins. Le premier d’entre eux, et ce n’est pas un hasard là non plus, concernait l’expo sur les costumes des 1001 nuits. Ce genre d’ouvrages marche bien, comme d’ailleurs le catalogue de l’expo des dessins d’enfance de Loti, qui avait accompagné la sortie du livre.

Vous avez commencé en diffusant vous-même vos livres, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Pourquoi ?

La diffusion par soi-même est passionnante, parce qu’on rencontre tous les libraires. Je crois que j’ai dû sillonner la France entière avec nos livres. Passionnante mais épuisante ! C’est pourquoi, depuis l’été dernier, on est diffusé par Harmonia Mundi, un des derniers diffuseurs indépendants de qualité.

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